Histoire – L’agitation politique en Guadeloupe entre 1794 et 1802

 Dossier Laméca

1802
La rébellion en Guadeloupe

HISTOIRE
L'AGITATION POLITIQUE EN GUADELOUPE ENTRE 1794 ET 1802

 

Entre l'arrivée de Victor Hugues à la Guadeloupe, en 1794, et celle du général Richepance, en mai 1802, l'île connaît, au plan politique, une période d'agitation exceptionnelle qui s'achève par l'envoi d'une expédition militaire punitive sous le Consulat. La question du travail, sur ce territoire accoutumé à fournir en abondance des denrées coloniales à sa métropole, est au cœur de ce désordre engendré par le décret du 16 pluviose an 2 abolissant l'esclavage dans les colonies françaises. Or, paradoxalement, la liberté octroyée se conjugue avec contraintes et travail forcé sous le proconsulat de Victor Hugues. Après quatre années d'une dictature personnelle implacable, l'agitation politique n'y connaît qu'un très bref répit puisque les impératifs du commerce national poussent Bonaparte à rétablir par la force l'ancien régime colonial.

Porteur du décret d'abolition au nom de la Convention, Victor Hugues, après six mois de combats, parvient à chasser les Anglais qui occupaient alors la Guadeloupe. Il y instaure ensuite une discipline de fer dans toute la rigueur des lois révolutionnaires : maisons fouillées, bijoux pillés, églises visitées, objets du culte entassés en bûcher… Il fait circuler de commune en commune une guillotine, semant la terreur parmi les blancs royalistes et les libres de couleur qui avaient retardé sa victoire sur les Anglais. Les biens séquestrés des habitants émigrés sont confisqués et versés au Trésor public, la liberté du commerce est supprimée et la fortune du pays est accaparée par le Conventionnel.

La Guadeloupe offre désormais l'aspect d'un Etat indépendant, même vis-à-vis du pouvoir métropolitain : Victor Hugues, qui survit à ses amis politiques éliminés en France le 9 thermidor, refuse d'appliquer la Constitution de l'an 3 et le projet d'assimilation proposé par Boissy d'Anglas en 1795. Et lorsque le Directoire lui ordonne de promulguer ses lois, il rétorque au Ministre "que la Constitution est impraticable dans ces contrées où seuls importent les bras". En réalité, l'indulgence du Directoire à son égard s'explique par la reconnaissance due à celui qui a repris l'île aux Anglais et l'espoir de voir ce dernier récupérer la Martinique et d'autres îles.

Contraint de nourrir les populations menacées par la famine, Victor Hugues prend des mesures autoritaires afin de contraindre les noirs à reprendre le chemin des campagnes pour y cultiver les terres. Mais le manque de bras, et le refus d'un travail qui rappelle l'esclavage, pénalisent la production et la misère ne fait que s'accroître. Il se tourne aussi vers la mer en lançant une véritable armada de corsaires destinés à piller les colonies britanniques. Mais si certains ramènent un butin précieux, beaucoup d'autres sont capturés et emprisonnés en Angleterre. Les Anglais finissent d'ailleurs par riposter par l'envoi d'une flotte qui impose un blocus de la Guadeloupe ; privée de vivres, la Guadeloupe affamée sombre dans l'anarchie, livrée à des milliers de vagabonds qui rendent la situation dramatique.

Dans ce contexte, les jours de Victor Hugues à la tête de la Guadeloupe semblent comptés, d'autant qu'il critique ouvertement le Directoire qu'il incite à la guerre contre les Etats-Unis et lui reproche d'être trop bienveillant envers Toussaint Louverture. Le 5 juin 1798, le général Desfourneaux est nommé agent particulier du Directoire à la Guadeloupe et Victor Hugues est embarqué sans ménagements vers la France.

L'ère Desfourneaux constitue une trêve dans l'agitation politique et sociale de l'île. Il met au point un essai de travail libre avec partage des revenus pour les cultivateurs qui bénéficient en outre d'un jardin pour y cultiver des vivres. Le retour de la confiance s'accompagne de celui des premiers colons émigrés et du redémarrage de l'activité économique. Mais les changements politiques intervenus successivement en France se traduisent par un net infléchissement du discours et des actes. La méfiance s'instaure parallèlement à une crainte récurrente du rétablissement de l'esclavage. Les administrateurs se succèdent mais plusieurs subissent, comme Victor Hugues, l'expulsion de la colonie (Desfourneaux, Laveaux, Lacrosse).

Dès l'avènement du Consulat, l'hypothèse d'un retour à l'ancien ordre esclavagiste paraît imminente. Reste à trouver la bonne formule pour y parvenir sans explosion. Bonaparte s'y emploie avec brutalité, mais en deux temps : d'abord par le discours : "Un peuple ne peut renoncer à l'esclavage sans compromettre les intérêts des autres". Puis par l'action militaire : dès 1797, l'amiral Villaret-Joyeuse affirmait que "l'unique salut des îles passe par l'établissement d'un régime militaire. Il faut que des généraux énergiques partent sans retard, rendent aux propriétaires leurs habitations séquestrées, ordonnent aux affranchis de reprendre les travaux agricoles, commandent un désarmement général et, si des résistances éclatent, les brisent par la force".

C'est point pour point, l'exacte mission que confie Bonaparte au général Richepance qui arrive en Guadeloupe, le 6 mai 1802, pour la mettre à exécution.

 

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SOMMAIRE

HISTOIRE
21 octobre 1801, les hommes de couleur prennent le pouvoir en Guadeloupe
6 mai 1802, le Général Richepance arrive en Guadeloupe pour y rétablir l'ordre
Baimbridge et Fouillole dans la tourmente révolutionnaire de 1802
Matouba, 28 mai 1802
L'agitation politique en Guadeloupe entre 1794 et 1802
Chronologie

PERSONNAGES
Le combat de Delgrès
Le combat de Richepance
Biographies des principaux protagonistes

ETAT DES LIEUX
Les communes de Guadeloupe
L'agriculture en Guadeloupe en 1799
La population de Guadeloupe en 1796
La politique coloniale de la France à l'époque révolutionnaire

REFERENCES
Textes historiques
Glossaire historique
Textes littéraires
Illustrations audio-vidéo
Bibliographie

crédits

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par René Bélénus

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, mai 2002 - mai 2022