La Guadeloupe politique – Le Conseil Général en 1946

 Dossier Laméca

Départementalisation
La Guadeloupe de 1946

LA GUADELOUPE POLITIQUE
LE CONSEIL GENERAL EN 1946

 

S’il est une institution sur laquelle il convient de s’attarder dans le contexte du vote de la loi d’assimilation de 1946, c’est bien le Conseil Général. En effet, outre le fait qu’il prend toute sa part dans le débat sur l’avenir institutionnel de l’île mais, surtout, il est au cœur de ces mêmes débats puisque l’essentiel des échanges entre les protagonistes porte précisément sur le maintien ou non de ses prérogatives. Est-ce à dire que ce petit Parlement local devient l’enjeu de la réforme en cours ? De fait, si les élus renoncent de leur propre chef aux avantages acquis au nom d’une intégration complète à l’ensemble national, ils prennent le risque de se priver du droit de contrôle étroit exercé jadis sur les Gouverneurs et, par effet induit, de devenir de simples exécutants des décisions prises par les nouveaux Préfets.

Qu’en est-il, en réalité, du fonctionnement de cette Assemblée qui vit, en l’espèce, ces dernières heures ?

 

HISTORIQUE DE L’INSTITUTION

Ce sont deux ordonnances royales prises sous la Restauration, à l’instigation de Villèle, qui sont à l’origine de la création de Conseils Généraux dans les quatre vieilles colonies. Celle du 17 août 1825 crée les budgets locaux et reconnaît à ces colonies la capacité juridique de posséder. Mais c’est l’ordonnance du 9 février 1827 qui établit un Conseil Général dans chacune des îles et vise à associer les colons à leur administration. Cette assemblée se compose alors de douze membres nommés par le Roi pour exercer un mandat de cinq années. Pour être éligible, il fallait être né dans la colonie, ou y résider depuis cinq ans, être âgé de trente ans révolus, être propriétaire de terres et recenser au moins quarante esclaves ou payer 300 francs de contributions directes.

Ces Conseils Généraux, appelés à délibérer et à donner leur avis sur les projets de budgets, étaient en outre consultés par le Gouverneur sur les améliorations à introduire dans le régime intérieur de la colonie et spécialement dans le régime des esclaves, sur les mesures à prendre pour favoriser le commerce et l’agriculture… Il s’agissait donc de véritables assemblées délibérantes dont les votes pouvaient avoir une réelle influence sur les affaires de la colonie.

La Charte du 14 août 1830 ayant décidé par son article 64 que « les colonies seraient régies par des lois particulières », la loi du 24 avril 1833 allait remplacer les ordonnances royales. Cette loi, appelée la « Charte Coloniale », inspirée par un très large esprit de libéralisme, substitue au Conseil Général un Conseil Colonial composé de trente membres élus pour cinq ans au suffrage censitaire. En 1833, on dénombrait en Guadeloupe 1092 électeurs et 619 éligibles. L’ouverture du Conseil Colonial eût lieu le 6 janvier 1834 à Basse-Terre. Le Général Ambert, un ancien Général d’Empire, en fut le premier Président.

Ce Conseil Colonial entra en conflit avec le Gouverneur chargé de faire voter sur les charges du budget local des mesures de protection et d’éducation intellectuelle et morale en faveur des esclaves. La résistance des Conseillers coloniaux qui étaient alors tous propriétaires d’esclaves, poussa le Gouvernement à faire voter la loi du 25 juin 1841 qui réalisait l’assimilation complète du régime financier des colonies avec celui des départements. En outre, une loi de 1842 fit des Conseils Coloniaux de simples organes délibératifs en matière budgétaire. L’un des décrets du 27 avril 1848 du Gouvernement provisoire de la République supprima le Conseil Colonial.

Sous le Second Empire les colonies sont placées sous le régime des senatus-consulte qui rétablissent le Conseil Général :
Le senatus-consulte du 3 mai 1854 établit qu’« un Conseil Général nommé moitié par le Gouverneur, moitié par les membres des conseils municipaux, est formé dans chacune des Colonies ». Ce régime dura douze ans jusqu’à la promulgation du senatus-consulte du 4 juillet 1866 qui réalisa une véritable œuvre de décentralisation en conférant au Conseil Général des attributions importantes, notamment en matière financière. C’est le décret-loi du 3 décembre 1870 qui rend applicable l’élection au suffrage universel des Conseillers Généraux dont le nombre est porté à 36 en 1879. Enfin, certaines dispositions de la loi du 10 août 1871 qui régit les Conseils Généraux de la métropole ont été progressivement rendues applicables aux Conseils Généraux des colonies, notamment par la loi du 28 novembre 1916 qui crée deux sessions ordinaires par an et laissait au Gouverneur le soin de convoquer des sessions extraordinaires.

Le Conseil Général est le véritable représentant des intérêts locaux : il délibère sur toutes les questions d’intérêt local émanant tant du domaine privé que du domaine public, des droits patrimoniaux ou des intérêts moraux de la Colonie. En outre, il exerce avec le Gouverneur certains pouvoirs de tutelle sur les administrations municipales. L’article 1 du senatus-consulte du 4 juillet 1866 précise : « Le Conseil Général statue, délibère et donne son avis ». Il convient toutefois de faire la distinction entre les « délibérations définitives » à caractère exécutoire (sauf opposition immédiate du Gouverneur), les délibérations soumises à approbation des administrations publiques ou du Gouverneur et les délibérations n’ayant aucune force exécutoire (vœux, motions, avis, réclamations sur des problèmes locaux). Le Conseil Général ne peut délibérer que sur les questions préalablement instruites par le pouvoir exécutif.

C’est, enfin, cette Assemblée qui est appelée à statuer sur les intérêts patrimoniaux de la colonie, comment seront gérés ses biens, la voierie coloniale et vicinale et les travaux publics. Elle consulte pour cela les Conseils municipaux mais ses décisions sont souveraines. Elle statue également en matière de travaux coloniaux, d’instruction publique, d’hygiène et d’assistance publique.

Mais le principal rôle du Conseil Général est de voter le budget. Le senatus-consulte du 3 mai 1854 lui redonne ses attributions d’autonomie financière perdues en 1841. Les Conseillers Généraux votent donc le budget des recettes et des dépenses et contrôlent son exécution effectuée par le Gouverneur. Il statue aussi sur deux institutions ignorées par les Conseils Généraux métropolitains : la caisse de réserve consacrée aux emprunts et l’octroi de mer. Autre pratique spécifiquement coloniale, le cérémonial destiné à accueillir le Gouverneur au début de chaque session : une délégation de cinq élus est désignée pour aller au-devant du chef de la Colonie. Celui-ci prononce un long discours évoquant les problèmes sur lesquels l’Assemblée est appelée à délibérer, puis se retire, toujours avec le même cérémonial.

 

LES ÉLUS EN 1946

Les élections cantonales des 7 et 14 octobre 1945 pour élire les nouveaux Conseillers Généraux, après la dissolution de l’institution survenue pendant la guerre, sont une bonne opportunité pour opérer un très large renouvellement de la classe politique. En effet, la majorité des élus sortants s’est compromise en acceptant de collaborer avec le représentant du Gouvernement de Vichy, le Gouverneur Constant Sorin. Aussi sont-ils la cible privilégiée des opposants, d’autant que ces derniers sont exclusivement membres de partis politiques de gauche : les fédérations locales du parti socialiste SFIO et du parti communiste. Or, ces deux partis, pour la circonstance, se présentent unis à cette bataille électorale ayant ébauché « l’unité ouvrière ». Deux mois avant le scrutin, le 14 janvier 1945, ils ont, en effet, réalisé l’Entente Prolétarienne au nom de laquelle ils présentent des listes communes dans tous les cantons. Cette stratégie s’avère triomphale puisque 17 anciens Conseillers Généraux sortants (sur les 26 qui se sont présentés) sont battus tandis que les 23 nouveaux élus sont tous issus des partis de gauche : 13 socialistes et 10 communistes.

PARTIS
ELUS
%
SFIO
13
36,10%
RGR
5
13,80%
PCF
5
13,80%
RPF
11
30,50%
MRP
1
2,70%
IND
1
2,70%

Les Conseillers Généraux de la Guadeloupe en 1946.

 

LES ELUS PAR CANTON :

BASSE-TERRE :
- Joseph PITAT (SFIO)
- Rémy NAINSOUTA (app. PCF)
- Constant DAHOME (PCF)
- Jean VIGNES (SFIO)

CAPESTERRE (Guadeloupe) :
- Paul LACAVE (PCF)
- Hugues SIMEON (SFIO)
- René LACROSSE (PCF)

POINTE NOIRE :
- Etienne MOUSSON (Rad. Soc.)
- Nestor PHILOGENE (Ind.)
- Benjamin FALLOPE (SFIO)

MARIE-GALANTE :
- Ludovic BADE (Rad.Soc.)
- Raphaël JERPAN (Rad. Soc.)
- Furcie TIROLIEN (Rad.Soc.)

SAINT BARTHELEMY :
- Guy DERAVIN (Ind.)

SAINT MARTIN :
- Louis Constant FLEMING (Ind.)

LAMENTIN :
- Virgile CHATHUANT (SFIO)
- Omer NININE (SFIO)
- René TORIBIO (SFIO)
- Childéric TRINQUEUR (SFIO)

LE MOULE :
- Rosan GIRARD (PCF)
- Alfred CHAMBERT (SFIO)
- Hégésippe IBENE (PCF)
- Siméon PIOCHE (PCF)

POINTE-A-PITRE :
- Gervais ANASTASE (SFIO)
- Gerty ARCHIMEDE (PCF)
- Lucien BERNIER (SFIO)
- Sabin DUCADOSSE (PCF)
- René-Paul JULAN (SFIO)
- Ulysse LAURENT (PCF)
- Pierre MONNERVILLE (SFIO)
- Théophile NEGRIT (SFIO)
- Paul VALENTINO (SFIO)

PORT-LOUIS :
- Médard ALBRAND (Rad. Soc.)
- Fernand BALIN (Rad. Soc.)
- Jean BARFLEUR (Ind.)

SAINT FRANCOIS :
- Alexandre MACAL

 

LA LOI D’ASSIMILATION DEBATTUE AU CONSEIL GENERAL

La forte coloration à gauche des élus aux cantonales de 1945 justifie, à elle seule, que la teneur des débats au sein du Conseil Général en cette année 1946 ait une connotation très sociale. Il est vrai que le contexte économique dans la colonie se prête parfaitement à des prises de position marquées des élus en faveur des classes laborieuses. Ces dernières sont, en effet, victimes des abus des usiniers qui, outre les salaires de misère octroyés aux ouvriers, leur imposent au moment de la récolte de la canne des rythmes de travail jugés inacceptables. Le refus des usiniers de payer aux coupeurs de cannes les ristournes dues pour les années 1942 à 1945 et leur décision de faire procéder à la coupe sans fixer les salaires sont à l’origine du déclenchement d’une grève très dure dans l’ensemble du secteur de la production sucrière en mars 1946. Convoqués en session extraordinaire, les Conseillers Généraux prennent fait et cause pour les grévistes dont ils se déclarent solidaires au point de décider de démissionner collectivement si dans les cinq jours une solution n’est pas donnée au conflit. Cette décision, accompagnée du chant de l’Internationale au sein de l’hémicycle, eut pour conséquence d’obliger l’Administration à intervenir pour donner satisfaction aux travailleurs dès le lendemain.

D’autres vœux déposés sur le bureau de l’assemblée confirment cette volonté des élus d’être les authentiques défenseurs du peuple. Ainsi, outre les petits cultivateurs qu’ils soutiennent contre l’accaparement des terres par les grosses sociétés usinières métropolitaines et par les gros propriétaires fonciers, ils défendent aussi les petits commerçants locaux contre les immigrants syriens et italiens. En 1946, plus de 10 millions de francs sont votés pour la construction d’un lycée à Basse-Terre et d’un collège technique à Pointe-à-Pitre, un effort sans précédent est fait pour accorder des bourses aux jeunes désireux d’aller poursuivre leurs études en métropole et de nombreuses subventions sont accordées au titre de l’assistance médicale gratuite et à l’encouragement de l’agriculture et de l’élevage… Mais s’il est un thème récurrent lors des différents débats, c’est bien celui de la quête d’assimilation. Assez paradoxalement, en mars 1946, cette question n’est pas inscrite à l’ordre du jour des délibérations. Néanmoins, le 13 mars 1946, c’est-à-dire au moment même où l’Assemblée Constituante s’apprête à adopter la loi d’assimilation, les élus communistes au sein du Conseil Général émettent le vœu suivant :

Le Conseil Général de la Guadeloupe,

Considérant que le peuple guadeloupéen est suffisamment évolué pour mériter son assimilation à celui de la métropole,
Considérant que les territoires de la Corse, de la Savoie, de Nice ou de l’Algérie, rattachés à la métropole depuis plusieurs années après la Guadeloupe, sont assimilés depuis fort longtemps,
Considérant qu’outre les avantages moraux considérables qu’en tirera la population, son assimilation déterminera sa rupture définitive avec le pacte colonial rétrograde et source de troubles sociaux constants,
Considérant que toutes les classes de la société antillaise profiteront utilement de la réalisation de cette mesure longtemps attendue,
Emet le vœu :
Que l’assimilation de la Guadeloupe soit votée sans délai par l’Assemblée Constituante et appliquée effectivement le plus rapidement possible.

Mais, par souci d’apaisement, ce vœu n’est finalement pas soumis au vote car sa teneur ne fait pas l’unanimité dans l’hémicycle. C’est dire à quel point tous les groupes politiques représentés au sein de l’assemblée locale n’ont pas la même conception ni les mêmes attentes vis-à-vis du projet d’assimilation. Ainsi, le groupe communiste, en la personne d’Hégésippe Ibéné en fait un problème « d’ordre national », estimant que « la Guadeloupe, en restant colonie, pourrait être l’objet des convoitises de puissances étrangères ». Promoteurs de cette loi devant l’Assemblée Constituante, les communistes affirment leur aspiration à une « assimilation totale, à une assimilation intégrale » :

"Rentrer en qualité de fils légitimes dans la maison française".

Nous gardons le sentiment profond que si nous étions département français, nous ne serions pas obligés de traîner après nous le boulet colonial, et indiscutablement le Ministre des Colonies ne se serait pas permis de fixer comme minimum vital à l'ouvrier guadeloupéen des salaires si bas. Si les travailleurs étaient considérés au même titre que ceux de la Gironde ou de la Provence, le Ministre n’aurait pas manqué d’utiliser le temps nécessaire pour trancher des questions aussi graves.

a) Avantages de l'Assimilation : Toutes les lois qui seront votées pour les travailleurs européens (salaires avantageux pour ceux des usines comme pour ceux des campagnes) auront force pour les nôtres de l'usine ou des champs de cannes.
Vous pouvez rétorquer que nous paierons plus d'impôts ! Notre programme traite de l'obligation de faire payer ceux qui possèdent, ceux qui refusent de se soumettre aux charges qu'ils devraient supporter et qui retombent sur le peuple.

b) Tant que nous demeurerons une colonie, nous serons l'objet des convoitises de la part des puissances étrangères. On peut demander de nous trafiquer, de faire de nous l'objet d'un marché. Mais à partir du moment où nous serions partie intégrante de la Métropole, où nous deviendrions réellement Français, toutes convoitises internationales nous concernant se tairaient.
Qu'est-ce que nous pouvons souhaiter de mieux, nous qui pensons Français, qui raisonnons Français, que de rentrer en qualité de fils légitimes dans la maison française.

Trois solutions peuvent être envisagées :

1° Demander notre indépendance.
2° Rester dans le statu quo.
3° Devenir département français.
La première solution doit être écartée sans même être envisagée; la deuxième, vous ne sauriez l'admettre sans être inconséquents avec vous mêmes; la dernière, devenir de véritables Français et voir notre pays classé comme département, semble être dès lors la seule à retenir.

[Discours prononcé par Hégésippe Ibéné, du groupe Communiste, le 13 mars 1946] 

Tout comme leur homologue, Paul Valentino, à l’Assemblée Constituante, les socialistes guadeloupéens se singularisent dans ce débat au Conseil Général, par des prises de position originales à propos du projet d’assimilation. Ainsi Omer Ninine, répondant à des critiques selon lesquelles le groupe socialiste s’opposerait à l’assimilation, développe de manière explicite leur point de vue et les réserves formulées :

"Ne nous engageons pas dans une voie sans savoir au préalable où elle conduit".

Le groupe socialiste, soucieux de l'évolution tant matérielle que morale et sociale de la Guadeloupe, n'est pas opposé à l'Assimilation, mais son désir suprême c'est d'avoir des éléments en mains qui lui permettent de savoir quels seront les effets de l'assimilation sur la vie politique, morale et sociale de la colonie. Nous voulons être intégrés à la communauté française, nous voulons bénéficier de tous les bienfaits, mais il ne faut pas que l'on nous accorde un régime équivalent à des demi mesures…

Nous souhaitons que les senatus-consulte de 1854 et 1866 qui fixent les prérogatives du Conseil Général, soient abrogés. Nous voulons briser le cadre étroit dans lequel nous délibérons. Mais la courtoisie la plus élémentaire veut que nous soyons mis au courant et consultés sur l’importante question qu’est le projet d'assimilation.
On veut nous assimiler, mais on ne nous donne aucune indication nette, aucune précision sur le mode d'assimilation. Ne nous engageons pas dans une voie sans savoir au préalable où elle conduit.

Comment nous reprocherait-on cette prudence? Communistes et Indépendants, ne voyez pas dans notre position un geste d'abandon vis-à-vis de la France, mais une sereine manifestation de probité, car demain la population tout entière se retournerait contre nous si elle ne récoltait que déceptions du projet en cours. Elle ne nous pardonnerait pas notre légèreté, et elle aurait infiniment raison.

[Discours prononcé par Omer Ninine du groupe socialiste le 13 mars 1946] 

Un autre Conseiller Général socialiste, Lucien Bernier, conforte cette option et ces réserves au projet de loi :

Nous sommes Français, mais nous devons quand même concilier les intérêts de la France avec les nôtres. Souvent notre intérêt purement guadeloupéen a été en désaccord avec celui de la France métropolitaine. Est-ce que lorsque nous serons assimilés cela changera ? Pensez-vous que l’assimilation pure et simple soit la seule solution favorable à la classe ouvrière de ce pays ?

A notre sens, ce qu’il faut c’est trouver une solution qui, dans le cadre d’une union la plus étroite avec la France, tienne le plus largement compte des exigences locales. Comment voulez-vous que sur cette question qui engagera l’avenir de nos enfants, nous acceptions de le faire à la légère ?

[Discours de Lucien Bernier du groupe socialiste prononcé le 13 mars 1946] 

Un troisième Conseiller socialiste, René-Paul Julan intervient au cours des débats pour tenter d’arrondir les angles entre les élus communistes et socialistes :

… Je suis convaincu que tous, collègues communistes et socialistes, nous sommes partisans de l’assimilation et nous sommes tous d’accord sur la question de principe. Aujourd’hui, la question revient devant nous sans même avoir été inscrite à l’ordre du jour… Mais étant donné la gravité de la question, il importe d’en étudier tous les aspects au lieu de prendre une décision prématurée qui risquerait d’être préjudiciable aux intérêts vitaux du pays…
Messieurs, il y a trois siècles que nous attendons l’assimilation, nous pourrons sans péril l’attendre encore un mois de plus …

[Discours prononcé par René-Paul Julan du groupe socialiste le 13 mars 1956] 

Au cours de cette discussion sur le vote de la loi d’assimilation, les Conseillers de la droite font preuve d’une exceptionnelle discrétion. Seul Raphaël Jerpan, au milieu d’un tumulte visant à l’interrompre, réussit à s’aligner sur les positions des socialistes en affirmant que « nous ne pouvons pas demander l’assimilation complète sans savoir les conséquences que cette mesure est susceptible d’entraîner ».

Dans ce climat, un consensus finit par se dégager au sein de l’Assemblée qui adopte à l’unanimité un vœu déposé par le groupe socialiste :

Le CONSEIL GENERAL DE LA GUADELOUPE ET DEPENDANCES, réuni en session extraordinaire le 13 mars 1946;

Vu la motion déposée sur le bureau du Conseil général par le groupe communiste, concernant l’assimilation pure et simple de la Guadeloupe comme département français;

Considérant qu’un projet de loi en ce sens a déjà été déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale Constituante;

Mais considérant que toute mesure qui tend à modifier le statut politique de la Guadeloupe doit être soumise au moins pour avis à la première assemblée locale;

Décide de demander au Pouvoir central de soumettre au moins pour avis, au Conseil Général, tout projet de loi quel qu’il soit, tendant à modifier dans un sens quelconque le statut politique de la Guadeloupe.

 

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SOMMAIRE

La Guadeloupe de 1946 - introduction
La Loi de départementalisation du 19 mars 1946

LE CONTEXTE
Les Antillais en 1946
Population et Santé publique (tableaux)
Économie (tableaux)
L'économie de la Guadeloupe analysée par son dernier gouverneur
La presse écrite et les débuts de la radio

LA GUADELOUPE POLITIQUE 
Les maires de la Guadeloupe en 1945 et 1947
La Guadeloupe et la représentation nationale en 1946
Le Conseil Général en 1946
"Ce que signifie l'assimilation"

LES HOMMES 
Joseph Pitat, l'homme fort du nouveau département
Paul Valentino et la loi d'assimilation

LES DISCOURS
Aimé Césaire
Gaston Monnerville
Paul Valentino
Raymond Vergès

Illustrations audio-vidéo
Bibliographie

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par René Bélénus

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, mars 2006 - décembre 2021