Dossier Laméca

Aspects de la littérature de jeunesse dans la Caraïbe francophone

2. REFLETS D'ENFANCE

 

De nombreux récits d’enfance, sortes d’autobiographies, ne sont pas spécifiquement destinés aux jeunes. Ils ne font pas partie intégrante de la littérature de jeunesse.

Cependant, mettant en scène des situations d’enfance, ils sont souvent proposés comme livres miroirs aux jeunes. Reflets d’une réalité antillaise, ils traduisent les rapports à l’espace-temps, à la famille, à l’école, à la culture.

Les références à l’école sont nombreuses comme dans A la recherche d’une odeur de grand-mère de Dany Bébel-Gisler (Jasor, 2001), dans Le cœur à rire et à pleurer de Maryse Condé (Laffont, 1999) et dans L'Exil selon Julia de Gisèle Pineau (Stock, 1996).

Dès avant ta scolarité, tu rêvais de fouler cet espace de jeu, bousculade multicolore d’humanités naissantes. Et le jour de ta rentrée au cours préparatoire, tu avais été très étonné du chagrin de certains élèves…
(Daniel Maximin, Tu c’est l’enfance, Gallimard, 2004).

 

Ces récits développent en particulier différentes représentations du livre et de la lecture :

Le Livre Objet

On m'avait effrayé avec des contes, bercé avec des comptines, consolé avec des chants secrets mais, en ce temps-là, les livres ne concernaient pas les enfants. Donc, je fus seul avec ces livres endormis, inutiles, mais faisant l'objet des attentions de Man Ninotte. C'est ce qui m'avait alerté : Man Ninotte leur accordait de l'intérêt alors qu'ils n'avaient aucune utilité. Je voyais son usage des fils de fer, des clous, des boîtes, des bouteilles ou des bombes conservées, pourtant je ne la vis jamais utiliser ces livres qu'elle mignonnait.
(Patrick Chamoiseau, Ecrire en pays dominé, Gallimard, 1997).

La Passion dévorante pour les livres

Jo, tu serais gentil de voir, quand tu auras le temps, si parmi tes livres il n’y aurait pas un vieux à me prêter ; un dont tu n’as presque pas besoin, et qui pourrait m’intéresser. J’en prendrai soin.
Je commençai par lui passer les livres que j’avais dévorés quand j’étais en sixième. Jojo me surprenait par tout ce qu’il pouvait lire en une soirée.
(Joseph Zobel, La rue cases-nègres, Présence Africaine, 1974).

Dans la peau d’un personnage

Le monde de histoires supplantait la réalité du monde. Je m’y plongeais avec toute la passion d’un pêcheur de perles. J’épousais la vengeance du comte de Monte - Cristo. Je pleurais sur les malheurs de Gervaise. J’épuisais des chevaux avec d’Artagnan. Le nez et le panache de Cyrano de Bergerac devenaient mon nez et mon panache…
(Ernest Pépin, Coulée d’or, Gallimard, 1995).

La musique des mots

Le négrillon aimait entendre le Maître… A toute lecture, le maître buvait un fin sirop. Il prenait plaisir à sucer lettre après lettre le français déployé sur des scènes bucoliques. Dévoué au concert des syllabes, il les détachait de manière emphatique, les rythmait selon une loi intime.
(Patrick Chamoiseau, Une enfance créole, Gallimard, 1993).

 

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SOMMAIRE
1. Emergence d’une littérature. Des thèmes et des traits récurrents
2. Reflets d'enfance
3. Instruire …

4. … pour comprendre hier …
5. ... et pour vivre aujourd'hui
6. L'eau, un motif obsédant
7. Une nature omniprésente
8. La grand-mère, pont par delà les mers
9. Le conte entre tradition et modernité
10. Mots d'enfance
11. L'affirmation d'une littérature

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par Nicole Brissac

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, mars 2007-décembre 2024