Dossier Laméca

Musique afro-colombienne

2. LA CÔTE PACIFIQUE SUD

 

Carte de la côte Pacifique colombo-équatorienne.

La région colombienne du Pacifique Sud s’étend jusqu’à la province équatorienne d'Esmeraldas. Comme le Chocó, c’est une région de forêt tropicale humide isolée. Près de 90% de sa population descend des esclaves africains amenés dans les chaînes de montagne de la région pour travailler dans les mines d'or. Les amérindiens, qui représentent 5 % de la population, vivent en grande partie dans leurs propres villages, loin en amont. Et une poignée de colons venus de l'extérieur vit dans les grandes villes de la région.

Le fleuve Yurumanguí (2006).
Photo : Michael Birenbaum Quintero

 

Une vie au rythme du fleuve

La plupart des implantations humaines du Pacifique Sud se situent le long des nombreux fleuves et rivières qui naissent dans les montagnes séparant la région du reste du pays et qui s’écoulent vers l’Ouest jusqu’à l’océan Pacifique. Ces cours d’eau sont les principaux axes de transport et constituent les points de liaison des implantations humaines de la région. Les habitants tirent avantage des courants descendants des fleuves pour ramer en canots jusqu'à leurs parcelles de terre cultivées, situées à quelques minutes à pied dans la forêt. Dans les communautés en aval, les femmes ramassent les mollusques des marais qui bordent l'océan et les hommes, avant l'aube, partent en mer pêcher le poisson, une bougie et une marmite sur le feu, à la proue de leurs canots. Ils retournent chez eux avec la marée montante de midi.

"Washing Gold” - orpaillage (Province de Barbacoas).
Aquarelle de Manuel María Paz (1851)

Dans les communautés qui bordent les fleuves, profitant de l’eau assainie par cette marée montante, les femmes se rassemblent sur les rives pour laver le linge en bavardant. De leur côté, les enfants s'amusent et nagent dans le fleuve et remplissent les bidons d'eau potable de la journée. Munis de leur pain de savon bleu, les hommes descendent à la rivière pour se laver.

A la saison des pluies, les communautés situées en amont des cours d’eau construisent des rampes de lavage et des canaux d’écoulement pour l'orpaillage, comme le faisaient leurs ancêtres amenés dans la région au 17ème siècle.

 

Une vie rude, isolée et bousculée par la violence politique

Sur la côte Pacifique, la vie peut être rude. La pêche, l'agriculture et l'orpaillage sont des travaux pénibles. Serpents venimeux, chauves-souris vampires, parasites gastro-intestinaux et de nombreuses maladies tropicales sévissent. En dehors de l'herboristerie traditionnelle, les soins de santé sont rudimentaires.

L'électricité et le téléphone sont relativement récents dans la région, et encore sporadiques, voire inexistant dans certaines zones. Les voies de communication vers l'intérieur par l’"autoroute" deux fois deux voies, sont souvent bloquées par des glissements de terrain. Il existe des liaisons aériennes vers certaines villes, pour ceux qui en ont les moyens. Tous les transports se font donc majoritairement par voies fluviale et maritime, mais celle-ci est à la merci de l'humeur de la mer et des attaques occasionnelles de pirates. A la fin des années 1990, avec l'arrivée de groupes de guérilla, de trafiquants de drogue et autres factions armées, la région est plongée dans la violence politique et la criminalité.

Le village de Juntas de Yurumanguí (2006).
Photo : Michael Birenbaum Quintero

L’arrivée de ces nouveaux acteurs ainsi que de sérieuses menaces agro-industrielles ont favorisé le déplacement des populations hors de leur territoire d’origine et une rupture avec certaines formes culturelles traditionnelles. L’agriculture locale garante de la subsistance, la pêche et l’exploitation minière traditionnelles, ont souvent été remplacées par des travaux temporaires sous-payés dans des villages et villes plus importantes, voire dans les grandes cités de l’intérieur du pays.

 

Résistance et résilience

C’est dans ce contexte de résistance et d’adaptation à un environnement difficile mais riche, de déprédations pratiquées par des acteurs extérieurs, de manque de services et d’infrastructures et d’autres difficultés anciennes et nouvelles, que les habitants noirs de la région du Pacifique Sud se sont forgé un ensemble unique de traditions religieuses, musicales et culturelles.

La résilience et la créativité de la culture afro-colombienne du Pacifique sud transparaissent de manière évidente dans ses formes musicales traditionnelles. En 2010, les musiques de marimba de la région ont été inscrites sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l'Humanité de l'UNESCO (plus d'informations ici).

La musique de marimba et les chants traditionnels de la côte Pacifique Sud de la Colombie (par l'UNESCO)

 

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SOMMAIRE
1. La Colombie Noire
2. Le Pacifique Sud
3. Currulao, la danse du marimba
4. Arrullo, une berçeuse pour les Saints
5. Alabados et Chigualo, musique pour les morts
6. Modernités du Pacifique noir
Illustrations musicales
Sources

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par Dr Michael Birenbaum Quintero

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, 2017