2. Culture afro-surinamaise : côte et intérieur

Dossier Laméca

Musique Marronne des Guyanes

2. CULTURE AFRO-SURINAMAISE : CÔTE ET INTÉRIEUR

 

Figure 1. Partie du territoire Aluku vue du ciel, Guyane française (2009).
Photo : Kenneth Bilby

 

Figure 2. Vue du fleuve Lawa (« Aluku Liba »), frontière entre le Suriname et la Guyane française (1986).
Photo : Kenneth Bilby

 

Figure 3. Vue d'un canot Aluku remontant la rivière Lawa (« Aluku Liba ») (2009).
Photo : Kenneth Bilby

Les traditions musicales afro-surinamaises sont d'une grande variété. En plus des peuples Marrons, le Suriname abrite une importante population côtière d'ascendance africaine dont les ancêtres, contrairement à ceux des Marrons, sont demeurés esclaves sur les plantations côtières jusqu'à l'abolition de l'esclavage du Suriname en 1863. En raison de cette expérience partagée initiale de la plantation, cette population, appelée Créole, a développé une culture afro-surinamaise qui recouvre à bien des égards celles des peuples Marrons de l'intérieur. Par exemple, la langue des Créoles de la côte, appelée Sranan, est étroitement liée à celles des Marrons et est en partie mutuellement intelligible avec celles parlées par les groupes de la partie orientale (Ndyuka, Aluku et Paamaka). Certaines traditions musicales de la population Créole côtière sont presque aussi africaines que celles des Marrons. De même, la religion Créole Winti, qui est étroitement liée aux diverses religions Marrons, utilise des tambours et des percussions similaires et présente des genres musicaux semblables. Et, bien que l'influence européenne soit parfois évidente dans les mélodies et les harmonies, la musique Créole Winti, comme la musique religieuse des Marrons, demeure essentiellement de style néo-africain, et comprend plusieurs genres dont les appellations sont proches de celles des genres Marrons apparentés, tels que kromanti, papa et luangu. Mais les traditions musicales Créoles comprennent également un certain nombre de genres hybrides dérivés de l'Europe tels que les setdansi (versions locales de danses de salon européennes telles que le quadrille et la danse des lanciers), joués sur une combinaison d'instruments européens et autochtones tels que clarinettes et saxophones, banjos, hochets de calebasse et tambours militaires européens. Au fil du temps, les différents volets de la musique Créole ont fusionné avec d'autres formes de la Caraïbe conduisant à une variété d'hybrides musicaux uniques, tels que kawina et kaseko (ce dernier a évolué pour devenir le premier style populaire urbain du Suriname et finalement une musique populaire nationale).

Figure 4. Vue du village Aluku d'Asisi, en Guyane française, depuis la rivière Lawa (« Aluku Liba »).
Photo : Kenneth Bilby

 

Figure 5. Jeune homme Aluku montrant les proues de deux anciens canots, conservées comme des œuvres d'art, Kotika, Suriname (1986).
Photo : Kenneth Bilby

Malgré un chevauchement culturel considérable, les relations entre Marrons et Créoles ont souvent été tendues dans le passé et des divisions sociales nettes continuent d'exister entre les deux groupes, en partie à cause des préjugés hérités de l'époque coloniale. Cependant, au cours des dernières décennies, avec une migration en croissance rapide de l'intérieur vers la côte, les barrières sociales entre Créoles et Marrons se sont en partie réduites, ce qui a accru les contacts et les échanges musicaux et culturels dans les contextes aussi bien traditionnels que populaires urbains. Pour cette raison, la musique Marronne d’aujourd'hui doit être considérée comme partie prenante de l’univers musical afro-surinamien dans son ensemble. Les nouveaux genres de musique populaire actuellement privilégiés par les jeunes Marrons, bien qu'ils conservent une bonne partie des anciennes traditions Marronnes, n'auraient pas pu voir le jour sans une exposition répétée aux genres Créoles tels que kaseko, kawina et Winti poku, du fait de l'accroissement des contacts avec des musiciens et contextes musicaux Créoles, et de l’écoute d’enregistrements discographiques diffusés par les médias. 

Figure 6. Peinture murale réalisée dans le style traditionnel Aluku, Maripasoula, Guyane française (1995).
Photo : Kenneth Bilby

 

Figure 7. Peinture murale réalisée dans le style traditionnel Aluku, Maripasoula, Guyane française (1995).
Photo : Kenneth Bilby

Dans certains cas, des genres traditionnels plus anciens qui ont continué d'exister sous des formes diverses chez les Marrons et les Créoles ont servi de passerelles entre les habitants de l'intérieur et ceux de la côte. Par exemple, le banya, un genre musical et dansé originaire des plantations coloniales côtières, a été ramené dans l'intérieur par certains groupes Marrons lorsqu'ils se sont échappés de ces mêmes plantations. Les Matawai, un peuple Marron actuel, ont conservé une variante de cette tradition, qu'ils connaissent sous le nom de bandya.

Audio 1
"Bandya" (Matawai) enregistré par Chris De Beet à Sukibaka, Suriname, vers 1974.

Ces dernières années, des groupes musicaux de Marrons Matawai et de Créoles côtiers ont commencé à se réunir pour des danses conjointes banya / bandya célébrant le lien entre leurs ancêtres symbolisé par ces traditions apparentées.

Carifest soutient la fête Banya des Marrons Matawai.

 

Kondre Banya Prey 1 (Marrons Matawai faisant la fête avec des Créoles de la Côte).

 

Kondre Banya Prey 2 (Marrons Matawai faisant la fête avec des Créoles de la Côte).

 

Kondre Banya Prey 3 (Marrons Matawai faisant la fête avec des Créoles de la Côte).

 

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SOMMAIRE
1. Les « premiers temps » des Marrons des Guyanes
2. Culture afro-surinamaise : côte et intérieur
3. La musique dans la vie traditionnelle des Marrons
4. Étude de cas. Booko dei et puu baaka chez les Marrons de l'Est
5. Aleke. Épanouissement d'une musique Marronne néo-traditionnelle
6. Incursions des marrons dans l’univers mondialisé de la musique
Illustrations musicales
Bibliographie

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par Kenneth Bilby

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