10-La biguine et le disque 78 tours

Dossier Laméca

LA BIGUINE À PARIS

10. LA BIGUINE ET LE DISQUE 78 TOURS

 

Dès que fut lancée la vogue des cabarets antillais au début des années trente, pas une compagnie de disques, grande ou petite, ne voulut manquer d’inscrire à son catalogue un ou plusieurs orchestres de biguine. Ainsi grâce au phonographe, la fabuleuse invention du Français Charles Cros et de l'Américain Thomas Edison, nous est-il permis d’entendre le message toujours vivant des musiciens créoles disparus et de redécouvrir la richesse et l’originalité d'un patrimoine musical qui aurait pu se perdre à jamais.

Seuls les musiciens qui eurent la chance de traverser l’Atlantique avant la guerre purent laisser leur témoignage gravé dans la cire. Faute de matériel d’enregistrement sur place jusque dans les années cinquante, tout un pan de la vie musicale aux Antilles Françaises se trouve occulté. Ce n’est pas le cas d’autres îles de la Caraïbe comme Trinidad où se déplacèrent des compagnies de disques américaines dès 1912.

Les disques 78 tours originaux sont devenus des pièces de collection conservées au Département de l’Audiovisuel de la BNF et par quelques collectionneurs. Mais il en existe aujourd’hui d’excellentes rééditions CD publiées par des éditeurs phonographiques œuvrant pour le patrimoine.

 

1400 titres franco-antillais enregistrés  en 78 tours de 1929 À 1956 (sélection)

1929 "Sepent Maigre" par l'orchestre de Stellio

 

1930 "Le Georgi-Nana" par l'orchestre de Félix Valvert

 

1930 "Edamiso" par l'orchestre d'Ernest Léardée

 

1931 "C'est biguine" par l'orchestre de la Boule Blanche

 

1931 "Oué, oué, oué, oué" par Léona Gabriella et l'orchestre de Stellio

 

1931 "Ti Paule" par l'orchestre Madinina's Band (P. Orphélien)

 

1931 "Robes à queue" par Tom & ses Juniors guadeloupéens

 

1935 "Douvan Jou" par l'orchestre antillais du Bal Blomet

 

1936 "Nègues bons défençeus" par l'orchestre antillais du Bal Blomet

 

1937 "Loulou mi touloulou a ou la" par Roger Fanfant et son orchestre guadeloupéen

 

1943 "La Cigale" par Harry Cooper et son orchestre

 

1944 "Ecoute Mama" par l'orchestre du Hot Club Colonial

 

1949 "La Rue Zabime" par Sam Castendet et son orchestre antillais

 

1950 "Kiembeli" par Moune de Rivel et son orchestre créole

 

1951 "Moin aimé ti fi y-a" par l'orchestre antillais d'Ernest Léardée

 

1951 "Aux Caraïbes" par André Salvador et l'orchestre d'Ernest Léardée

 

1951 "Ban nou lai" par Gilles Sala et son trio Karukéra

 

1951 "Voisine a moin" par Eugène Delouche et son orchestre Del's Jazz Biguine

 

1952 "Douvan pote doudou" par Ernest Léardée et son orchestre

 

1956 "Moin ni on loto nef" par Barel Coppet et ses Antillais

 

C’est en octobre 1929 que sont gravés à Paris les premiers disques de biguine par l’orchestre de Stellio pour la marque Odéon. Ils se vendront à des milliers d’exemplaires.

Avant la guerre de 1939, Odéon possède le plus beau catalogue antillais avec Stellio de 1929 à 1930, Eugène Delouche de 1932 à 1933, puis Stellio à nouveau de 1934 jusqu’à sa mort. Odéon produit de nombreux autres artistes comme la Guadeloupéenne Mlle Armelin, le Guyanais Henri Volmar, mais aussi Nelly Lungla, Alexandre Kindou, Maïotte Almaby, Sosso Pé-en-Kin

"Mouvements d'avion" par Henri Volmar et son orchestre

Les marques Polydor et Pathé sont également très présentes dans les musiques exotiques. Stellio y figure de 1931 à 1933. Pathé enregistre Eugène Delouche de 1935 à 1938 et Roger Fanfant en 1937. La firme Columbia produit quelques disques de biguine de 1931 à 1936. Le reste de la production antillaise se répartit entre des marques secondaires comme Inovat (1930), Salabert (1930-1931), Ultraphone (1931-1935), Parlophone (1931-1933), Cristal (1931-1936), Sonabel (1931-1932).

Après la guerre, Music Monde édite une série antillaise de 1946 à 1949 et Columbia signe un contrat d’exclusivité avec Sam Castendet à partir de 1950. Odéon ne s’intéresse plus qu’à Honoré Coppet et Alphonso. Pathé, en revanche, élabore tout au long des années cinquante un abondant catalogue de la nouvelle musique des Antilles avec les orchestres d’Abel Beauregard, Al Lirvat, Martinales et Alberto, Robert Mavounzy, Édouard Pajaniandy, Sylvio Siobud, Félix Valvert… De nombreux disques de biguine paraissent aussi chez d’autres marques qui voient le jour dans les années cinquante : Selmer, Ducretet-Thomson, Ritmo, Exotic, Lagriffoul, Saturne, Festival, Riviera, Radium, Philips...

 

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SOMMAIRE
1. Les précurseurs (avant 1929)
2. Stellio et l'exposition coloniale (1929-1931)
3. L'âge d'or de la biguine (1931-1939)
4. Paris, melting-pot musical caribéen
5. L'occupation et le jazz (1940-1944)
6. Le nouvel essor de la biguine (après 1944)
7. Evolution et modernisation d'un style
8. Figures musicales de la Guadeloupe
9. Figures musicales de la Martinique
10. La biguine et le disque 78 tours
11. Bibliographie - Discographie

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Par Jean-Pierre Meunier
Iconographie : collection J-P Meunier

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Général de la Guadeloupe, 2005