Dossier Laméca

BOMBA & PLENA DE PORTO-RICO

1. MUSIQUE

 

En 1797 la danse de Bomba fut la manifestation qui surprit le plus un voyageur français, André Pierre Ledru, botaniste de son état.

Cette danse exécutée à l’époque par Blancs, mulâtres et nègres libres représentait dans le Porto-Rico d’alors un élément culturel organisé. Cela se passait bien sûr en ce temps ou la vida no era dulce e coco. Les tambours accompagnant cette danse déjà nommée baile de Bomba arrivèrent dans l’île avec les esclaves en provenance du Ghana et issus de la civilisation Fanti-Ashanti, sans oubliés les Carabalis de la rive sud du Niger et les Congos.

Le tambour de Bomba qui généra la danse du même nom devint ainsi l’élément principal de la charpente musicale et percussive afro-boricua (de borinquen, nom taino de Porto-Rico). Ce tambor abarillado de racine africaine et la musique qui en était issue donnèrent un peu plus d’un siècle plus tard naissance à la Plena.

Les différents rythmes et danses de la Bomba prennent leurs origines sur les rivages africains : cunyá, yubá, xicá, cocobalé, cuembé, grásima, bambulaé, holandés, leró, calindá et mariandá font partie des danses que le peuple noir portoricain a pratiqué deux siècles durant. Certaines, telles la calindá et la mariandá sont tombées dans l’oubli.

Nous sommes en présence de ce fait, eu égard à la composition sociale de l’île, de musiques à caractère fortement communautaire accompagnant et ponctuant la geste contestataire anti-esclavagiste : 1805, 1822, 1826, 1833, 1835, 1836, 1839, 1841, 1843, 1848; les libations et défoulements festifs servant de véhicule des faits et geste de la gente pobre. Les textes et les chants peuvent déjà être considérés comme des radio la gente ou radio bemba.

La Bomba, témoin des espoirs déçus du peuple portoricain mais sachant entonner des élégies ou des chants enflammés à la gloire des femmes et hommes héros de Porto-Rico, devient de ce fait avec la Plena, musique nationale.

 

Comment a-t-on converti la Bomba en Plena ?

C’est la question posée par Edgardo Rodriguez Julia dans le quotidien portoricain El Nuevo Dia du 9 avril 1989.

La Plena est l’exemple type de la musique à l’origine incertaine, résultante du choc des courants migratoires : Barbade, Saint-Kitts vers Porto-Rico, déformation de l’expression Play it Anne !, Play Anne ! lors d’une danse exécutée par ces "anglais" ou encore le fait de danser lors d’un bal à la pleine lune : Luna plena !!!

Il est admis que la Plena fit irruption dans le patrimoine rythmique portoricain entre la fin du 19ème siècle et 1916.

La posture des percussionnistes sera différente, le rythme plus vif, les instruments facilement transportables mais les textes, le message, sabor a pueblo, seront autant de pages, de bulletins d’information mettant en lumière d’innombrables tranches de vie : celles des humbles et de manière plus globale, les pérégrinations sociales, politiques et culturelles du peuple portoricain.

Ces deux formes d’expressions musicales nationales sont cristallisées et pérennisées à l’occasion des fêtes patronales, du carnaval et différents festivals au pays de la maquinolandera.

Le tambour trouvera sa rédemption dans le sublimé, le velouté, le rythme ondoyant de Luís Palés Matos qui réussira à travers lui à faire acte de fraternité avec les peuples de notre cuenca caribeña à partir de leurs racines africaines, toujours mises à nu dans le chant poétique palésien.

Ainsi verrons nous à la table communautaire, de La Plena del Menéalo à la Canción Festiva para Ser Llorada, nos nations caribéennes se déclinant ainsi :

Cuba – ñañigo y bachata
Haïti – Vodú y calabaza
Puerto-Rico – burundanga
Martinica y Guadalupe
Me van poniando la casa
Martinica en la cocina
Y Guadalupe en la sala
Martinica hace la sopa
Y Guadalupe la cama.
Buen calalú, Martinica,
Que Guadalupe me aguarda
En qué lorito aprendiste
Ese patuá de melaza
Guadalupe de mis trópicos,
Mi suculenta tinaja ?

Tous autant que nous sommes, pouvons nous lui répondre sur l’air de :

Bambulae
Sea ya
Sea contigo na’ ma
Bambulae !

"Canto a mi tierra" (1979) par Jorge Millet (extrait).

 

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SOMMAIRE
1. Musique
2. Instruments
3. Musiciens
4. Racines dans le vent
Illustrations musicales

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par Alex E. Petro

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Général de la Guadeloupe, 2001