4 e. Le quadrille aujourd’hui : Dominique

Dossier Laméca

Les quadrilles de la Caraïbe

4 e. LE QUADRILLE AUJOURD'HUI : DOMINIQUE

 

Lovée entre la Guadeloupe au nord et la Martinique au sud, la Dominique est un état indépendant depuis 1978. L'île avait d'abord été déclarée possession française en 1632 avant de devenir anglaise en 1763. Elle l'est demeurée pendant l'essentiel de la période coloniale, mais elle a toujours été soumise à une forte influence culturelle française. En effet, la Dominique a accueilli de nombreux mulâtres et noirs libres fuyant la Martinique devenue Anglaise sous l'Empire. Puis entre 1836, date de l'abolition de l'esclavage dans les colonies britanniques et 1848, date de l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, de très nombreux Africains fuyant la Martinique et la Guadeloupe y ont trouvé refuge.

Suite de quatre figures pour quatre couples disposés en carré, la danse que les Dominicais nomment 'quadrille' est à l'évidence une forme créolisée du quadrille français. Les figures qui le composent ont souvent gardé le nom et les déplacements caractéristiques de chacune de ses figures, bien qu'en général on indique simplement les numéros de figures pour parler des contredanses dont le quadrille est constitué (premyé fidji, dézyèm fidji, twzyèm fidji, katyèm fidji). De nos jours, ce sont surtout des danseurs dans la région de petite Savanne qui se souviennent encore de leurs noms exacts. Donnés ici dans le désordre, ces noms sont : la trénitz (ou la trinitez), la poule, l'été et pastourelle.

Prestation de quadrille dominicais au World Creole Festival (Dominique).

Ce quadrille a été élevé au rang de danse nationale grâce aux efforts combinés de Mme Mabel "Cissie" Caudeiron à partir des années 1960 et d'Eric Leblanc, premier Premier Ministre de la Dominique. Jusque-là c'était une expression traditionnelle très prisée qui se pratiquait surtout pendant ces bals du samedi soir où les cavaliers payaient les musiciens un centime la danse. Depuis, le quadrille est devenu un élément dominant du patrimoine culturel immatériel de la Dominique et est transmis dans les écoles publiques ou dans les centres culturels. Chacun des septs districts qui constituent le Commonwealth of Dominica en a développé une version plus ou moins élaborée. De nos jours ce quadrille se donne principalement sur scène pendant le mois d'Octobre, lors des festivités et compétitions liées à la fête nationale.

Les Dominicais dansent un autre quadrille qu'ils nomment Lancers (les Lanciers). Ce quadrille est d'abord connu et transmis dans la région de Petite Savane et, contrairement au quadrille proprement-dit, il ne fait pas obligatoirement partie des danses imposées pour les compétitions de la fête nationale. En dépit de son nom, Lancers, ce quadrille à cinq figures est une variante du quadrille français à la mode en Europe et dans les Antilles pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Pour la plupart des Dominicais, le quadrille et les lancers véhiculent des notions de grâce et d'élégance.

L'interprétation de ces danses requiert le port de costumes spécifiques : la wob duiyet (grand-robe ou robe-à-corps) pour les dames et le costume complet pour leurs cavaliers avec une large ceinture en tissu nouée sur le côté, le sash.

Les orchestres de quadrilles sont de deux types à la Dominique. Le premier, omniprésent, est le jing-ping band. Il compte quatre instruments, le tanboudbass, le boom-boom, le jing-ping (nom traditionnel de l'accordéon) et le graj ou shiyak, un idiophone unique dans la Caraïbe car ce shiyak dominicais est à la fois racleur et hochet.

Jeunes musiciens Dominicais (Festival de Gwoka de Sainte-Anne, 2007).
© Gustav Michaux-Vignes

Le jing-ping est l’instrument dominant de l'ensemble, mais les danseurs accordent souvent une importance égale au tanboudbass car c'est en grande partie de lui que dépend la bonne exécution des rythmes de la danse. Le boom-boom est découpé dans une tige de bambou assez épaisse (10 à 12 cm de diamètre), longue d'un mètre environ. Le musicien qui en joue pose une extrémité du boom-boom contre sa bouche et souffle de façon cadencée à l'intérieur. Il émet un son grave qui marque le tempo.

L'autre orchestre de quadrille dominicais est typique de Castle Bruce, petite ville située tout au nord de l'île. Composé principalement d'instruments de la famille du violon, le 'string band' de Castle Bruce n'accompagne les quadrilles que dans cette région de la Dominique. Les mélodies que joue le jing-ping tiennent pour la plupart en quelques phrases répétées autant de fois que nécessaire pour l'exécution des figures complètes.

 

______________________________________

SOMMAIRE
Définition
1. Les antécédents européens : cotillon, contredanse française et longway anglais

2. Le quadrille dans les sociétés coloniales des Antilles
3. Appropriation, créolisation, re-création
4 a. Le quadrille aujourd'hui : Cuba

4 b. Le quadrille aujourd'hui : Haïti
4 c. Le quadrille aujourd'hui : Sainte-Croix et Saint-Thomas
4 d. Le quadrille aujourd'hui : Guadeloupe
4 e. Le quadrille aujourd'hui : Dominique
4 f. Le quadrille aujourd'hui : Martinique
4 g. Le quadrille aujourd'hui : Sainte-Lucie
4 h. Le quadrille aujourd'hui : Carriacou
En guise de conclusion
Illustrations musicales
Bibliographie

______________________________________

par Dr Dominique Cyrille

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, 2018