“Solange Pé-en-Kin, un Guadeloupéen acteur du gwoka à Paris durant les années 1930” par Marie-Héléna Laumuno

Article Laméca

Solange Pé-en-Kin, un Guadeloupéen acteur du gwoka à Paris durant les années 1930

Marie-Héléna Laumuno (2023)

 

Sommaire

 

Le 24 février 1939, un titre « Toum-blake » sur un disque produit à Paris !

Présentation

L’auteur : Solange Pé-En-Kin dit « Sosso[1] »

Solange Pé-en-kin est connu dans le milieu de la musique par le surnom Sosso. Son acte de naissance permet de remonter à ses origines :

Il est né Solange Flavien Pé-en-Kin le 13 mai 1902 et déclaré par son père le 21mai de la même année. Il naît au faubourg Schoelcher, au domicile de la dame veuve Médand ou Médard qui semble étrangère à la famille. L’acte mentionne que la mère de l’enfant vivait temporairement chez cette personne alors que sa résidence se trouvait dans la commune du Moule. C’est donc accidentellement que Solange Pé-en-Kin prend naissance dans un faubourg de Pointe-à-Pitre[2]. Il vient d’une famille modeste dont la mère, Talcona Marie-Virginie, Berthe, Rosale, Denise  est sans profession à la naissance du musicien. Le père, Eugène Pé-en-Kin exerce le métier de postillon. Ses grands-parents maternels et paternels exercent des petits métiers ruraux ou urbains : cultivateurs, couturière...

Solange est issu de  plusieurs groupes humains divers qui ont peuplé la Guadeloupe à partir du milieu du XIXè siècle . Le nom qu’il porte est celui de son grand-père âgé de 31 ans à la naissance de son père Eugène en 1865. Ce grand-père est un ressortissant de l’immigration chinoise[3]. Sa grand-mère paternelle, elle aussi, arrive en Guadeloupe avec une nouvelle main d’oeuvre  post-esclavagiste. C’est une immigrée africaine. Elle s’appelle Maléako[4]. Ses grandsparents paternels vivaient sur l’habitation Marfin au Lamentin.

Le nom de la mère, Talcona est attribué en 1848 à des affranchis, anciens travailleurs esclaves, à la Désirade. La grand-mère, maternelle Elisabeth Lisma Talcona est née au Moule en 1855[5]. Elle est fille de Jean-Baptiste Talcona, un des affranchis de 1848 à la Désirade[6]...

Ses origines multiples peuvent expliquer son ouverture artistique.

 

Le contexte de la production de l’œuvre : Dans l’univers des bals de Paris

D’après les deux brèves biographies dont nous disposons, l’artiste résiderait encore en Guadeloupe durant les années 1920 et au début des années 1930. Il aurait été un enfant terrible des quartiers sensibles, indésirable parfois[7]. Adulte, dans les rues de sa ville natale, Pointe-àPitre, il serait chanteur-troubadour[8]. Les sources font défaut pour connaître les raisons de son départ vers Paris. Fait-il partie, probablement, de ces musiciens qui ont quitté la Guadeloupe après la catastrophe cyclonique de 1928 qui a ravagé la Guadeloupe et singulièrement la ville de Pointe-à-Pitre, son lieu de naissance et de résidence. En dehors du temps de ses sérénades et de ses chansons de rue d’une part et le temps de ses prestations dans les bals de Paris d’autre part, des lacunes limitent nos connaissances au sujet de son parcours musical.

Les traces  les plus sûres de sa vie musicale à Paris, datent d’une courte période de mai 1936 à juin 1939.  Il est alors trentenaire.  Les albums qui le font connaître sont les 78 tours dont la pochette en papier gris ou bleu foncé font juste fonction de protection du disque. Quelques pictogrammes atténuent parfois la rudesse de la pochette. Mais ce ne sont pas encore des supports d’illustration susceptibles de constituer des sources d’informations.  Par ailleurs, la presse parisienne et celle d’autres régions de l’Hexagone le citent parmi les artistes participant à des galas de soutien à caractère politique[9] ou encore à des concerts donnés à la radio. Il y interprète des chansons enregistrées et des inédits comme :

« Gadé jan yo ni culot », « Gran lang a-ou-la »[10]

« Ba-i-Bai », Bali mo piti ka vini an, Pou ou dansé Conga, Kan la neige ka tombé[11]

Iuachinango Congo[12] 

La société Crystalate Française dont le siège est à Paris produit le premier album, sous le label Cristal[13],  où Sosso pose sa voix en mai 1936. En effet, il est engagé, à cette occasion, en tant que chanteur-interprète pour le titre Nègues Bon défenceus en créole guadeloupéen. Il s’agit d’une condamnation de l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie qui aboutit à une guerre opposant Mussolini à Hailé Sélassié de 1935 à 1936. Cette guerre est connue par l’ampleur de la couverture médiatique qui la dénonce. De la Caraïbe à l’Afrique du Sud, aux États-Unis et en Europe, des hommes et des femmes noir(es) se portent volontaires pour aider militairement l’Éthiopie[14]. La chanson Nègues Bon Défenseus les encourage à la lutte contre l’Italie.  C’est « l’Orchestre Antillais du Bal Blomet » dont Sosso Pé-en-kin est membre qui enregistre la chanson. Cet orchestre n’en est pas à son premier essai. Son leader est le pianiste martiniquais Louis Jean-Alphonse surnommé Alphonso ou Aljean (1905 -1981). En 1935 déjà, il enregistrait des biguines pour lesquelles il engageait divers chanteurs.

Cette fois, en mai 1936, pour le titre Nègues Bon Défenceus, l’orchestre garde les mêmes instrumentistes qu’en 1935 mais choisit  Sosso comme chanteur. Celui-ci est entouré du Martiniquais Maurice Noiran à la clarinette, de Mémé Costin à la contrebasse, de Anany à la batterie.  Le disque ne porte pas le nom des autres musiciens mais plutôt le nom de l’orchestre suivi de celui de Sosso, sur les deux faces de l’album.  De ce fait, le chanteur participe à la promotion commerciale du disque[15], ce qui, en retour, le fait connaître des musiciens, du public des bals, de même que des mélomanes de l’époque.

L’année suivante, le 11 juin 1937, Sosso  dirige des enregistrements discographiques  au sein de sa propre formation musicale « Sosso Pé-en-kin et son orchestre ». Deux membres de cette formation assurent le chant : Sosso lui-même et la chanteuse-danseuse martiniquaise, Darling Légitimus dite Miss Darling, de son vrai nom Marie Berthilde Péruta (1907-1999).

Cette fois, les enregistrements sont produits sous le label britannique (ou allemand) Polydor à Paris. Sosso change de label, deux ans plus tard, le 8 janvier 1939, pour les albums réalisés avec cette même formation musicale à laquelle il ajoute le clarinettiste Michel Berté et un nommé Guichard (non identifié) probablement au banjo et à la guitare. Cette fois, il signe l’édition avec la branche phonographique de la maison française de cinéma, Pathé. Le 23 juin 1939, il enregistre de nouveau avec les musiciens habituels, sans Darling Légitimus. A ce groupe il ajoute Louis-Jean Alphonse qui l’avait sollicité sur le premier album en 1936[16].  Cette formation musicale de juin 1939, prend le nom de « Sosso Pé-en-kin et son orchestre du Folklore antillais ».

Sosso participe en tout à l’enregistrement de 32 titres sur 16 disques 78 tours soit deux titres par albums. Parmi ces titres, 6 sont de la propriété intellectuelle de Aljean.  Le répertoire de Sosso se décrit à partir du catalogue de la Musique en France [17] et des rééditions des Etablissements Frémeaux et associés[18]. Ces titres sont joués et dansés au cours des bals de Paris. En effet, au milieu des années 1920, un pianiste et hommes d’affaires martiniquais Jean Rezard Desvouves décide d’ouvrir un cabaret au n°33 de la rue Blomet à Paris,  pour y donner des bals. Parmi ces bals le plus célèbre  est connu sous le nom de Bal Blomet ou encore  Bal Colonial de la rue Blomet. Il est aussi plus couramment appelé à l’époque, « Bal nègre », terme stigmatisant, pour les musiciens et danseurs Noirs de Paris.  Le public est ciblé à l’exemple des bals des catégories socio professionnelles de Paris comme ceux des domestiques de la Caraïbe francophone au cours de la première moitié du XX siècle. Il s’agit majoritairement de ressortissants des Caraïbes et des États-Unis résidant à Paris. Toutes les musiques de la Caraïbe y sont jouées : les calypsos de Trinidad , les mambos, les chachacha et les rumbas de Cuba, les merengue de la République Dominicaine, les musiques du vaudou haïtien, les mazurkas de la Martinique et majoritairement des biguines guadeloupéennes, martiniquaises et guyanaises. On y danse  de même des valses européennes adaptées pour la circonstance ainsi que le tango qui circule de l’Argentine à Paris. Des musiciens en font leur lieu privilégié de prestation. Le Bal Blomet devient rapidement un lieu incontournable pour les amoureux de la musique et de la danse. Des musiciens qui se sont installés à Paris après la première guerre mondiale ou encore d’autres comme le clarinettiste Alexandre Stellio qui décide de venir à Paris avec son orchestre, pour y faire carrière, s’y produisent régulièrement. Les musiciens du Bal Blomet font carrière. Ils offrent aux auditeurs parisiens de  grands airs de la Caraïbe parmi lesquels le titre « Julo pren moin[19] »

 

Description

Julo pren moin, un titre inscrit sur un 78 Tours : Fiche technique

Sosso-Pé-En-Kin et l’orchestre du Bal Bill Amour, Album 78 tours, Label Polydor, 2402-1939 (Collection Lembert Roberto dit Krédito)

Le 24 février 1939, Sosso Pé-En-Kin, au sein de l’orchestre du bal Bill Amour enregistre deux titres : « Julo pren moin » ( sic) et « Guadeloupe, Martinique, Guyane ».  L’album qui ressort de cet enregistrement est un 78 tours.  La première face référencée au 4928 HPP   comprend le titre « Julo pren moin » dont le genre musical est précisé. Il s’agit d’un toum-blake. La 2è face référencée au 4929 HPP comprend l’autre titre qui est une valse instrumentale. L’album est produit sous le label Polydor . Cette maison produit des artistes de renom comme la chanteuse auteure-compositrice française Edith Piaf (1915-1963) ou le Martiniquais Fructueux Alexandre dit Stellio (1885-1939), clarinettiste, compositeur et chef d’orchestre.

Sosso Pé-en-Kin est le chef d’orchestre du « Bal Bill Amour » avec lequel il enregistre l’album. Le nom de l’orchestre est celui d’un nouveau cabaret parisien appartenant à un danseur professionnel guadeloupéen du nom de Bill Amour. Celui-ci achète le cabaret au début du mois de février 1939, à un musicien et tenancier de salles de bals à Paris. L’orchestre de Sosso Péen-Kin est la première formation musicale à se produire dans ce nouveau bal qui recevra par la suite de grandes figures des musiques noires. C’est en ce lieu que le samedi 15 avril 1939, Fructueux Alexandre dit Stellio est victime d’un malaise duquel il succombera trois mois plus tard[20].

La chanson Julo pren moin est un titre au tambour. L’instrument, unique, est clairement identifié à l’audition. La composition de l’orchestre du Bill Amour est décrite par les musicologues Alain Boulanger, John Cowley et Marc Monneraye qui réalisent le catalogue de la discographie antillaise de 1929-1959. Au sein de l’orchestre le musicien Anany est le joueur de « drums ». La batterie est ainsi désignée par les auteurs du catalogue comme ils procèdent pour des musiciens d’ autres albums. Le tambour n’est pas indiqué dans la composition de l’orchestre. Cependant, dans le titre Nèg Bon défenseus, précédemment interprété par Sosso Pé-en-Kin en 1936, le tambour s’identifie à l’audition, dans l’introduction  et tout au long du déroulement du morceau. De même, l’unique photographie disponible de Sosso Pé-en-Kin, datant de 1937, lors d’une émission radio à laquelle il est invité, donne des indications claires quant à la présence du tambour dans la musique de Soso Pé-en-Kin.  Cette photographie vient d’une musicienne Marie-Magdeleine Carbet (de son vrai nom Anna Marie-Magdeleine (19021996), rencontrée et interviewée chez elle à Paris le 7 février 1986 par Jean-Pierre Meunier. Elle a obtenu cette photographie car elle donnait régulièrement des représentations et des conférences auxquelles participaient le clarinettiste Michel Berté et le chanteur Sosso Pé-enKin[21]. Le cliché représente Sosso Pé-en-Kin, chantant, devant un micro accompagné  de 2 musiciens, l’un jouant du tambourin et l’autre jouant du tambour en  frappant à mains nues sur la peau de l’instrument. Celui-ci, coincé entre les jambes du tanbouyé, peut se décrire aisément. Se distinguent nettement les éléments de la facture et de l’exécution du tambour qui s’identifiera plus tard en Guadeloupe comme le tambour du « gwoka[22] » :

  • La caisse de couleur claire est faite de douelles.
  • La peau tendue sur la partie supérieure du tonneau est fixée par un cercle épais, apparemment encordé.
  • Deux cercles de couleur foncée enserrent les douelles.
  • Le mode d’exécution est à mains nues.
  • Le tanbouyé est assis sur un siège et le  tambour, coincé entre ses genoux,  est légèrement incliné pour l’aisance du jeu.
  • Le mode de serrage est imperceptible à cause de la prise de vue.

La présence du tambour  dans la musique de  Sosso Pé-en-Kin, est encore attestée par Gil Légitimus né à Paris en 1930, fils de la chanteuse et comédienne Darling Légitimus, compagne de musique de Sosso Pé-en-Kin.  Il a raconté au musicologue Jean-Pierre Meunier, qu’à la fin des années trente, alors qu’il était âgé de 7 à 10 ans environ, il accompagnait souvent sa mère Darling aux répétitions de l'orchestre de Sosso Pé-en-Kin. C’était un bon ami de la famille Légitimus.  Il arrivait que Sosso lui-même joue du tambour au cours des répétitions. De même, parfois,  à la même occasion, Gesip s’ajoutait à l'orchestre en jouant du tambour.

Solange Pé-en-Kin  à la radio   Paris, 1937, (Collection Jean-Pierre Meunier)[23]

Partitions de Julo pren moin en 6/8 et 3/8[24]

Jilo pwan mwen

Jilo pwan mwen

 

Analyse

La structure musicale : « Un toum-blake » des années 1930

La chanson Julo pren moin est composée sur le mode chantè-répondè. En créole guadeloupéen, ces termes sont polysémiques. En effet, selon les contextes, le chantè désigne le lead ou encore les couplets d’une chanson alors que le répondè  désigne le chœur ou les refrains.  Même si les notes utilisées par le chantè et celles utilisées par le répondè ne sont pas tout-à-fait identiques, on retrouve dans Julo pren moin, de fréquentes similitudes mélodiques entre ces deux parties. Ainsi, la partie du chantè est une variation du répondè. L’auteurcompositeur semble avoir construit la mélodie du chantè à partir du répondè. Cette partie détient la mélodie de base qui parcourt toute la chanson.

Au sein de l’orchestre du Bill Amour, les chantè sont au nombre de 2, Sosso Pé-En-Kin, le chef d’orchestre et la chanteuse Miss Darling.  L’auteur-compositeur Sosso Pé-en-Kin est aussi interprète. L’audition laisse entendre la voix soprano de Miss Darling au répondè autour d’autres voix masculines.

La voix que le chantè emprunte pour l’interprétation est naturelle, sans fioriture. Il en est de même pour le répondè.

Dès l’entrée du titre, le chantè accompagne la musique, d’expressions improvisées : Vayan (ou Ba yo) toumblak ! Aaah !

Au cours de l’interprétation, il agrémente le texte d’expressions improvisées comme :

Yépah ! … Ba yoy ! Ayayay !

D’autres expressions sont aussi improvisées par le chantè. Elles sont peu audibles vue la qualité de l’enregistrement et les conditions de la prise de son, sur une piste unique, à l’époque.  Le lead interrompt le chant après 3 couplets, laissant la place au tambour par d’autres expressions improvisées :

« Mété zò si lé koté …. Ban-mwen on toumblak[25]An wond-la »

L’improvisation semble faire partie de la performance du chantè. Dans l’interprétation du chant, il garde l’exclusivité de l’improvisation contrairement au répondè qui répond fidèlement au chantè.

Les couplets sont peu nombreux, au nombre de 3 mais leur reprise donne de la longueur à la chanson. Le couplet 3 est repris 2 fois avec quelques nuances au niveau du texte.

Le morceau se déroule de la façon suivante comme l’indique la partition[26] :

L’introduction est produite par le tambour sur 6 mesures à 3 temps. Le chantè entre sur 8 mesures à 3 temps suivi du répondè sur le même nombre de mesures. La structure se poursuit de la façon suivante : chantè et répondè se succèdent 3 fois de suite. Sur la 3è fois, le répondè est repris laissant la place au tambour seul, sur 6 mesures à 3 temps. Le chantè reprend suivi du répondè 2 fois puis jusqu’à la fin où le répondè et le chantè reprennent 3 fois le refrain se terminant sur un ralenti : Laaa chè !

Cette interprétation obéit à deux phrasés rythmiques à la fois : l’un en 3/8 et l’autre en 6/8 qui peuvent cohabiter parce que le 3/8, binaire est inclus dans le 6/8, ternaire[27] ; le 6/8 pouvant être pensé comme une mesure ternaire à deux temps et le 3/8 comme une mesure binaire à 3 temps. Évitant le conflit des rythmes, le résultat rythmique aboutit à une polyrythmie.  Ce titre est un cas de cohabitation de deux rythmes initialement distincts.

Le « phrasé rythmique[28] » attribué à la chanson indiquée est portée sur le macaron du vynile. Il s’agit du toum-blake. Mais comment l’identifier en 1939 ? Et quelle définition donner au terme pour la période ?

Ce phrasé rythmique est décrit dans les sources antérieures à notre période comme une danse.  L’orthographe du terme varie avec le temps. En 1902, ce fut « towmblack chiré », une danse en couple lors d’ une victoire électorale à Basse-Terre[29]. En 1918, ce fut toumblack pour une ou un bamboula au Morne Miquel de Pointe- à-Pitre[30]. La description de 1902 se rapporte à une danse dite endiablée sur un rythme rapide. En 1918, le rythme est lent et les contorsions sont si profondes pour l’ensemble du corps que le dansè est comparé à un « homme caoutchouc ». D’après l’analyse de la composition musicale de la chanson Julo pren moin, le toum-blake de 1939 serait un mouvement polyrythmique.  Toutefois, un autre titre toum-blake du même auteur-compositeur et intitulée Dé la la a la[31] vient, la même année apporter une nuance à cette affirmation. Cette chanson répond au même mode d’interprétation que Julo pren moin mais en matière de phrasé rythmique, Délalaala se distingue. Cette fois, contrairement au 1er titre, le tambour et le chant s’exécutent sur le même phrasé[32]. Contrairement à Julo pren moin, Délalaala est construit sur un phrasé monorythmique.  Cette désignation toum-blake  qui arrive une deuxième fois, pour une chanson aux tambours  invite à réfléchir sur la diversité musicale  du toum-blake des années 1930. On peut penser  aussi que la désignation  toum-blake ne serait pas réservée au seul phrasé rythmique mais  semble  être aussi le terme  le plus ancien employé  en Guadeloupe pour désigner la musique aux tambours en général. De ce fait, les deux chansons aux tambours de Sosso Pé-En-Kin s’inscrivent peut-être dans un genre musical désigné par toum-blake en 1939 et qui deviendra gwoka à partir de la décennie suivante[33]. En l’état de nos recherches, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses.

Un autre mystère demeure. C’est celui de l’exécution de ces titres au bal Bill Amour. Puisqu’ils sont enregistrés aux tambours, comment sont-ils joués en ce lieu et comment sont-ils dansés ?

 

Le texte : Un cri de femme

Le texte relate un drame. Il s’agit de l’histoire d’une femme qui décrit les violences conjugales dont elle est victime. La gravité de l’agression physique qu’elle subit, se mesure aisément, à travers les détails de la scène.

Les circonstances de l’agression ne sont pas indiquées. Toutefois si l’on s’en tient au couplet 3, la femme raconte la scène d’une espièglerie perpétrée par son agresseur. Cet incident a pu être à l’origine de l’agression :

I véyé an fant a klwazon an-mwen[34] .

D’après cette information, la femme vit dans une maison faite de planches entre lesquelles, il est possible d’entrevoir l’intérieur. Elle semble s’être opposée à cette espièglerie :

An di Jilo f  pa i té fè sa …

An di Jilo f  pa i  véyé-mwen[35]

Toutefois, c’est la violence de l’agression qui marque la narratrice. Elle est projetée sur le sol.

Elle frôle la strangulation.  Ainsi débute le texte :

Jilo pran mwen , i jété-mwen a tè

I pran men a-y 

I mété-y an gòj an mwen[36]

C’est seulement après avoir présenté l’ampleur des violences qu’elle dévoile le lien qui l’unit à son agresseur. C’est une affaire de couple dans laquelle la femme refuse de céder à la volonté de l’homme :

I di mwen chéri 

Si ou vé pa obéyi[37]

L’homme se fait menaçant. La femme risque la mort :

Mwen  ka yenki tranglé-w[38]

La menace de l’homme est aussi celle de la rupture :

Mwen fini chiré papyé èvè-w[39]

On peut difficilement comprendre les sentiments que cet homme éprouve pour sa femme. Alors qu’il est entrain de l’agresser, il emploie une expression pleine d’affection et d’amour pour la désigner. La narratrice le souligne. Il l’appelle « chéri ». Elle, au contraire traduit la brutalité dont elle est victime par le terme qu’elle emploie pour le désigner : bouwo[40].

Elle déclare être lasse du comportement de l’homme. Elle est épuisée :

Tèlman nonm-la fè sa 

Mwen ochan é bouwo-la chè[41]

Cet épuisement se traduit par la répétition des actes malveillants dont elle est victime. Cette répétition structure presqu’intégralement un couplet…

I di mwen fò pa  i té fè sa

Si i pa té fè sa 

Nou pa ké  rivé la  

Jilo fè sa, i fè sa, i fè sa 

Tèl man nonm-la fè sa…[42] 

La récurrence des actes malveillants s’exprime par  un mot : véyé qui peut dans ce contexte se traduire par épier, empiéter sur la liberté, gêner, entraver …

Les paroles du répondè sont portées par une strophe musicale faite de deux syllabes, la syllabe occupe une fonction introductrice pour chaque phrase exceptée la dernière composée de la syllabe la :  

Dé lala lalaalala

Délalalalaalalala

Dé lala lalaalala

Lalalalalala alaalalalala

 

Le texte s’inscrit dans une thématique chère à Sosso : la misère des femmes dans leurs relations intimes. Leur existence est pétrie de douleur comme en attestent d’autres chansons inspirées par le malheur qui frappe les femmes dans leur relation de couple. Ce sont majoritairement des biguines enregistrées entre 1936 et 1939 et dansées dans les bals de Paris[43] :

« Zé a Coq-là » ( biguine): La chanson s’adresse à une femme à qui il est demandé de dire ce qu’elle a fait de la grossesse qu’elle a cachée à son entourage. Il lui est recommandé d’être désormais plus utile à la société en s’adonnant au travail dans les exploitations bananières.

« Telman Gérard mangé » ( biguine) : Gérard est le mari de la femme qui raconte l’histoire. Il a un appétit si débordant qu’il mange démesurément à dégouter les porcs[44]. La femme est aussi en est dégoûtée.

« Pou couvè cone la » (biguine) :  La femme qui pratique l’adultère dans sa vie intime le fait adroitement. Les « cornes » qu’elle fait porter à son partenaire représentent, dans le milieu populaire, la métaphore de l’infidélité féminine.

« Dé la la a la » : Un homme ou une femme vit un chagrin d’amour provoqué par le départ forcé de son amoureux ou amoureuse. Il ou elle lui réaffirme son amour.

En définitive, ces chansons traduisent l’ambiguïté du chant traditionnel en Guadeloupe. En tant qu’expression artistique, il procure du plaisir dans la composition, dans l’interprétation et dans l’audition. Parallèlement, le texte, dans son message révèle les douleurs des relations de toutes sortes. C’est le chant d’un être humain souffrant et aspirant au bonheur impossible d’où l’usage des onomatopées de la souffrance dans le texte initial ou dans les improvisations :

Way, anmwé, wayay

Finalement, la vie trop courte de Solange Pé-en-Kin freine l’intérêt qu’il porte au tambour et à  la thématique des déboires féminins. Il  décède soit en 1940 soit le 22 mai 1944[45] peu de temps après son inscription à la SACEM en tant qu’auteur-compositeur-interprète.

A ce propos, Julo pren moin est l’un des  derniers titres de son répertoire.

En guise de synthèse : Ce que le titre « Julo pren moin » dit de son auteur

« Julo pren moin » révèle les talents artistiques de Solange Pé-En-Kin. Dans l’interprétation de la chanson, il joue le rôle principal : c’est lui qui encourage le tambour à entrer en scène, qui apporte de l’improvisation au texte, qui introduit une pause au profit du tambour, qui termine la chanson en symbiose avec les répondè.  Il est fort probable qu’il soit l’auteur du texte mais la mélodie semble empruntée. On la retrouve avec quelques nuances mélodiques dans d’autres chansons populaires en Guadeloupe et en Martinique au cours de la même période. De ce fait, Solange Pé-En-Kin aurait obéi à la pratique de la composition par l’emprunt et la variation[46] propre aux chanteurs traditionnels antillais. Au cours de l’interprétation, le chanteur met en œuvre la pratique de l’étirage du texte, au moyen de la répétition des mêmes couplets. Le texte obéit aussi à des pratiques connues dans le chant traditionnel comme la répétition d’expressions ou de mots pour exprimer un sentiment.  Et, au niveau du répondè, le texte sans paroles construit par deux syllabes différentes au moins, est aussi une particularité du chant traditionnel. Le chant de Solange Pé-En-Kin est significatif d’une esthétique générale du chant traditionnel antillais, chant que l’auteur-compositeur manipule aisément.

C’est le premier Guadeloupéen à avoir enregistré des chansons au tambour de fondement africain pour le XXè siècle. La facture de l’instrument, le mode d’exécution, de même que la sonorité rendent compte de cette africanité.

 Solange Pé-En-Kin introduit, à Paris, la musique au tambour au même titre que les autres musiques en vogue comme la biguine, le tango ou la valse. De ce fait, il participe à l’intégration  de la musique au tambour dans une grande ville . Et l’instrument local, en l’occurrence le tambour, côtoie ainsi, d’ autres musiques des Caraïbes, des Amériques, d’Europe.

Avec Solange Pé-En-Kin, le tambour sort de son espace typique, pour côtoyer d’autres pratiques culturelles urbaines. Il devient, de fait, le pionnier de la diffusion de la musique au tambour dans cette ville.  Il faut attendre dix ans plus tard, au cours des années 1940, pour trouver à Paris, une troupe de danses aux tambours dirigée par la dite Mlle Marcin. Cette troupe participe aux manifestations du centenaire de l’abolition de l’esclavage à Paris[47]. Oser le tambour à Paris durant les années 1930 est un geste musical plutôt marginal.  Car, même, des STOP AU 10 oct 2023 chansons enregistrées plus tard, entre les années 1940 et les années 1950, évoquant le ka, la bamboula ou le grajé[44] ne sont pas jouées au tambour[45].  Pour le chant de scène au tambour, l’auteur-compositeur interprète qui rencontrera le succès à Paris, après Solange Pé-En-Kin est Guy Conquet (1946-2012), une quarantaine d’années plus tard.

Du point de vue de la thématique « Julo  pren moin » donne la parole aux femmes à propos de la dénonciation des violences conjugales. C’est comme un positionnement artistique et littéraire contre ces violences. Solange Pé-En-Kin ouvre la voie à d’autres artistes qui, participeront à l’épanouissement du thème, une trentaine d’années plus tard. Des titres comme Filao de Robert Loyson[46], Pa ban moin coup de Cassius[47], Man Dèni de Christen Aigle[48] témoignent de cette dénonciation masculine des violences physiques faites aux femmes, en donnant la parole aux victimes. De ce fait, les femmes deviennent les narratrices de leur histoire personnelle.

A travers la chanson au tambour Julo pren moin , Solange Pé-En-Kin parvient, sans le revendiquer, à corriger l’image du tambour en l’inscrivant au répertoire des instruments de musique du monde. Cette image, embellie, prend le contrepied de l’image dévalorisante qu’a connu le tambour et ses musiques dans le système de la plantation esclavagiste et au-delà. Le tambour sort ainsi de l’état de sauvagerie dans laquelle la colonisation esclavagiste l’avait inscrite. Avec Solange Pé-En-Kin, il entre dans une 1ère phase de décolonisation même si son auteur n’en a pas conscience puisque son acte n’est pas revendiqué.  Aux autres auteurs-compositeurs de poursuivre !

Enfin, l’œuvre de Solange Pé-En-Kin  fait de lui, un des  Pères fondateurs  des musiques aux tambours de scène pour le XXè siècle. Toutefois, il n’est pas un maître dans l’univers de cette musique   parce qu’aucun des acteurs des musiques aux tambours de scène de la génération qui lui succède, n’a conscience d’avoir suivi sa trace. Pour eux, c’est un inconnu.

Puisse t’il un jour être reconnu comme tel par les acteurs du gwoka  et faire ainsi double autorité dans cet univers musical de la Guadeloupe :  un Maître et un Père afin que vive sa mémoire !

DOCUMENTATION

I-SOURCES

1-1 -Sources sonores : Catalogue La Musique antillaise en France, Discographie 1929-1939

Albums produits à Paris (version initiale)

Orchestre Antillais du Bal Blomet dirigée par Alphonso/ Sosso Pé-En-Kin (vocal), Album, Cristal 6195, Mai 1936.

Sosso Pé-En-Kin et son orchestre, Album 78T, Pathé PA 1710,  8 janvier 1939.

Sosso Pé-En-Kin et son orchestre, Album 78T, Pathé PA 1711,  8 janvier 1939.

Sosso Pé-En-Kin au Bal Bill Amour et son orchestre, Album 78T, Polydor 514.312,  24 février 1939.

Sosso Pé-En-Kin au Bal Bill Amour et son orchestre, Album 78T, Polydor 514.313,  24 février 1939.

Sosso Pé-En-Kin au Bal Bill Amour et son orchestre, Album 78T, Polydor 514.314,  24 février 1939.

Sosso Pé-En-Kin au Bal Bill Amour et son orchestre, Album 78T, Polydor 514.315,  24 février 1939.

Sosso Pé-En-Kin et son orchestre du Folklore Antillais, Album 78T, Odéon 279.624, 23 juin 1939.

Sosso Pé-En-Kin et son orchestre du Folklore Antillais, Album 78T, Odéon 279.625, 23 juin 1939.

Sosso Pé-En-Kin et son orchestre du Folklore Antillais, Album 78T, Odéon 279.626, 23 juin 1939.

Albums produits à Paris (réédition)

Biguine, Valse et Mazurka créoles (1929-1940), CD, Frémeaux et Associés, 1993.

Biguine, Valse et Mazurka créoles (1930-1943), CD, Frémeaux et Associés, 1994.

Biguine, Valse et Mazurka créoles (1930-1944), CD, Frémeaux et Associés, 2005.

Biguine, Valse et Mazurka créoles (1930-1954), CD, Frémeaux et Associés, 2016.

  • 2-Témoignages

MEUNIER Jean-Pierre, 22 décembre 2015- 28 décembre 2017 (Communication Internet)

LOUIS-JOSEPH Marcel dit Ti Marcel († 2018), Paris, 27 décembre 2017

MAVOUNZY M.S, Cinquante années de musique et de Culture en Guadeloupe, 1928-1978, Présence Africaine, Paris, 2002. (Ouvrage ayant valeur de témoignage).

AUDE-ANDERSON B., Encyclopédie de la Musique traditionnelle aux Antilles, Editions Lafontaine, 2005. (Ouvrage ayant valeur de témoignage).

  • 3-Sources d’archives manuscrites : Etat-Civil

ANOM Etat-Civil, Guadeloupe Pointe-à-Pitre : n°146, 1902.

Lamentin : n° 107, 1865.

Le Moule : n°195, 1855/ n°257, 1881.

Anchoukaj , Non an-nou, Noms de famille guadeloupéennes etmartiniquaises/www.anchoukaj.org

La Désirade, matricule 1760

Presse, Paris, BNF Gallica L’œuvre, 22-04-1937 Journal L’œuvre, 22 avril 1937 Journal Ce soir, 7 mai 1937.

Journal L’Intransigeant,14 mai 1937.

Journal L’Ouest-Eclair, 12 mai 1938.

Journal L’Excelsior, 12 mai 1938.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II-BIBLIOGRAPHIE :

CAMPBELL Horace, Rasta et Résistance, Éditions du Camion Blanc, 2014, pages 178-191.

CHAMOUX Henri, La diffusion de l’enregistrement sonore en France à la Belle Epoque (1893-1914), Thèse de Doctorat en Histoire contemporaine, Université de Paris 1- Panthéon Sorbonne, ( dir : Bruno Belhoste), 2015.

CYRILLE Dominique, O pli bèl son,Bèlè et chants de travail de la terre en Guadeloupe, Editions Nestor, 2012, page 107 à 114.

ETIENNE Jacob, Les bals populaires des Antilles en région parisienne, L’Harmattan, 2010.  LAUMUNO Marie-Héléna, Les gens du gwoka en Guadeloupe, Devenir acteur de décolonisation, 1931-1994, Thèse de doctorat en Histoire contemporaine, Université des

Antilles, 2019 (dir. Jean-Pierre Sainton)

LEROI JONES, le peuple du Blues, Folio, 2013 (1ère édition : 1997).

NEGRIT Frédéric, Musique et Immigration dans la société antillaise, L’Harmattan, 2006. PARENT Emmanuel, Habiter le monde avec des sons : le grain de la voix noire, Géographie des Musiques noires, Géographie et Cultures n°76, 2010 (Yves Raibaud, directeur).

[44] Sam Castendet et son orchestre Antillais de la « Canne à Sucre » enregistre en octobre 1949 le titre « Lévé yo lévé yo ka » indiqué comme un « grajé » dans Ginouvès Véronique (coordination), La Musique antillaise en France, discographie 19291959, page 25.  L’orchestre qui l’interprète se compose d’une clarinette, d’une batterie, d’une guitare basse, d’un chacha, d’un chanteur lead auquel répond un chœur.

[45] D’après le catalogue cité dans la note précédente, Robert Mavounzy Quartet enregistre en 1946 une biguine intitulée bamboula et Henri Salvador un gragé manniòk intitulé Petite fleur fanée en 1951 repris par Gilles Sala en 1952, page 62, 76 et 80.

[46] Robert Loyson présente La Guadeloupe trenglé ( sic), Label Disques Sopran’n, 1982

[47] Vélo et son gros-ka, Album vynile, 33T, Label Emeraude, GPA5, 25-09-1964. La chanson « Pa ban moin coup » est interprétée par le chanteur Cassius, Face A, n°3.

[48] Cette chanson est interprétée régulièrement par le chanteur Christen Aigle (1929-1985) au cours des léwòz qui se déroulent en Guadeloupe au cours des années 1970-80s. La chanson figure sur le CD 1, n°9 d’une compilation de 4 CD, intitulée Léwòz Indestwas èvè Christen Aigle Ka chanté, réalisée en 2005 en hommage au chanteur par l’association Culturelle Indestwas Ka Dans.   

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[1] Le surnom est ainsi orthographié sur le macaron du disque indiqué.

[2] Acte de naissance de Pé-en-Kin Solange, n°146, Pointe-à-Pitre, 1902.

[3] Acte de naissance de Pé-en-Kin Eugène, n° 107, Lamentin, 1865.

[4] Acte de naissance de Talcona Virginie, n°257, Le Moule, 1881.

[5] Acte de naissance de Talcona Elisabeth Lisma, n°195, Le Moule, 1855.

[6] Talcona Jean-Baptiste, matricule 1760, né à la Désirade et reçoit son patronyme dans cette commune, www. anchoukaj.org.

[7] Aude Bagoué-Anderson, Solange Pe-En-Kin, chanteur de rue, chef d’orchestre, dans Encyclopédie de la musique traditionnelle aux Antilles- Guyane, De St Pierre à nos jours, un siècle de Musique, Éditions Lafontaine (2005).

[8] Mavounzy.S. Marcel, Cinquante ans de musique et de culture en Guadeloupe, 1928-1978, Présence Africaine, 2002, page 47.

[9] Journal L’œuvre, 22 avril 1937.

[10] Journal Ce soir, 7 mai 1937/ Traduction : Voyez donc comme vous avez du culot ! Votre grande (sacrée) langue.

[11] Journal L’Ouest-Eclair, 12 mai 1938/. Traduction : il lui a donné, Donne le moi, l’enfant arrive (ou donne-moi le moi, l’enfant deviendra grand), Pour que vous dansiez la Conga, quand tombe la neige.

[12] Journal L’Intransigeant, 14 mai 1937.

[13] Album 78T, Cristal 6066, Paris, Automne 1935.

[14] Horace Campbell, Rasta et Résistance, Éditions du Camion Blanc, 2014, pages 178-191.

[15] Album 78T, Cristal 6195, Paris Mai 1936.

[16] La discographie du chanteur est retracée à partir du catalogue précédemment cité.

[17] Ginouvès Véronique (coordination), La Musique antillaise en France, discographie 1929-1959, AFAS, LAMECA, Conseil Général de la Guadeloupe, 2008, pages 14, 68-69 et dans notes biographiques page 27.

[18] Album, Biguine, Valse et mazurka créoles (1929-1940), double CD, Label Frémeaux et Associés, Paris, 1993 / Album, Biguine, Valse et mazurka créoles (1930-1943), double CD, Label Frémeaux et Associés, Paris, 1994.

[19] Traduction française : Julo m’a empoignée.

[20] Information de Jean-Pierre Meunier, musicologue, dans le livret d’accompagnement de « Biguine, Anthologie de la tradition musicale antillaise (1930-1954) », Coffret 3CD, Frémeaux et Associés, Paris, 2016.

[21] Témoignage Internet de Jean-Pierre Meunier, décembre 2017.

[22] Nous utilisons cette désignation pour faciliter le propos même si le terme relève d’un anachronisme pour l’époque.

[23] Extrait du livret de la compilation « Biguine, Valse et Mazurka créole », double album CD,  Frémeaux et associés SA, Paris, 1929-1940.

[24] Écriture musicale par Gérard Gros. Analyse musicale sous la direction de Gérard Gros, musicien et professeur de musique.

[25] Traduction française : Mettez-vous sur les côtés… Donnez-moi un toumblak.

[26] Partition écrite par Gérard Gros, professeur de musique.

[27] Le 3/8 correspond au phrasé rythmique que nous désignons aujourd’hui par padjanbèl et le 6/8 au woulé.

[28] Nous préférons le terme de phrasé rythmique à rythme habituellement employé dans le cadre de l’exécution sonore des tambours en Guadeloupe. Le rythme est l’ordre par lequel se succèdent les figures de notes (noire, croche, blanche etc…). Par conséquent, c’est une composante des musiques en général.  Le terme ne révêt aucune singularité pour aucun genre musical. Il ne peut être propre au gwoka. Il est purement technique. Pour prendre en compte tous les éléments techniques, esthétiques, sociaux et émotionnels qui entrent dans la composition et l’exécution des dits « rythmes », l’expression « phrasé rythmique » nous semble plus approprié.  Les sept les mieux connus aujourd’hui et les plus en usage se désignent par : toumblak, léwòz, menndé, kaladja, graj, gwajanbèl, woulé.

[29] Journal La Crucifiée, Bamboula, 4 mai 1902, Archives Départementales de la Guadeloupe.

[30] Cet article est publié dans Alex et Françoise Urie, Le chant de Karukéra…, 1991, page 40.

[31] Sosso Pé-En-Kin au bal Bill Amour et son Orchestre, Dé la laa la, Album 78T, Polydor, 514314, Paris, 24 février 1939.

[32] Aujourd’hui ce phrasé se désigne en Guadeloupe par Padjanbèl.

[33] La décennie  1940 est celle où le terme gwoka laisse des traces dans les sources écrites.  Le terme gros-ka ou gros-ca figure dans des textes libres et poèmes de la Revue Guadeloupéenne en 1947 et 1957.

[34] Traduction : Il m’a épié par la fente de ma cloison.

[35] Traduction : J’ai dit à Julo qu’il n’avait pas à faire cela… J’ai dit à Julo qu’il ne fallait pas qu’il m’espiègle.

[36] Julo m’a empoigné/ Il m’a projetée sur le sol/ Il m’a serré la gorge.

[37] Il m’a dit « Chérie, si tu refuses d’obéir.

[38] Je ne te fais que t’étrangler

[39] Je viens de déchirer le papier avec toi (je suis en train de rompre avec toi).

[40] Bourreau (méchant, rustre).

[41] L’homme a tant fait cela que j’en ai assez du bourreau.

[42] Il m’a dit qu’il n’aurait pas du faire cela/ S’il n’avait pas fait cela/ Nous n’en serions pas là/Julo l’a fait, il l’a fait, il l’a fait/ Il a tant fait cela…

[43] Nous faisons référence aux titres dont l’audition est disponible grâce aux rééditions. D’autres titres portent des noms de femmes comme Yvonne ou Marie-Ange mais nous n’avons pas connaissance des textes.

[44] Des témoins de la région de Ste Anne St François ont reconnu cette chanson qu’interprétait dans les années 40-50 une femme âgée et psychologiquement fragile, dans les rues. Elle ajoutait des jurons au texte. Le titre est peut-être une chanson populaire enregistré par Soso après amendement du texte.

[45] Les dates de décès proviennent de source privée (Gil Légitimus pour Jean-Pierre Meunier) ou d’organisme de dépôt des œuvres discographiques.

[46] Dominique Cyrille, O pli bèl son,Bèlè et chants de travail de la terre en Guadeloupe, Editions Nestor, 2012, page 107 à 114.

[47] Programme, Fonds Roger Fortuné, FJ2, Archives Départementales de la Guadeloupe, 1948. (Programme des manifestations du centenaire de l’abolition de l’esclavage organisées à Paris en 1948).

 

[48] Voir note 23 pour la place de Mme Genlis.

[49] Selon Dominique-René de Lerma, deux romances ou airs tirés de ce recueil ne sont pas des créations originales de Saint-Georges (voir son article : "Two friends within the Saint-Georges songs" in The Black Perspective in Music I, N°2, 1973, pp.115-118). Le n°53 du recueil "Dans un bois solitaire" utilise un texte d’Antoine Houdart de La Motte (1672-1731), écrivain et dramaturge français. Pour le n° 36 "Vous l’ordonnes" le texte et la musique – pour lequel Saint-Georges a écrit un nouvel accompagnement - sont d’Antoine Laurent Baudron (1743-1834), auteur du tout premier recueil de quatuors à cordes connu en France (1768) qui fut directeur de l’orchestre de la comédie Française de 1766 à 1822. Cette œuvre est tirée du Barbier de Séville, pièce de Beaumarchais qui fut représentée en 1775 pour lequel Baudron écrivit la musique. Indication importante, selon De Lerma, qui laisserait supposer que ces airs compilés dans ce recueil pour la comtesse de Vauban l’ont été après 1775.

 

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