“Le créole dans les enregistrements d’Alan Lomax aux Petites Antilles en 1962” par Hector Poullet

Article Laméca

Le créole dans les enregistrements d'Alan Lomax aux Petites Antilles en 1962.

Jeux et rondes pour enfants de Trinidad, Dominique, Sainte-Lucie et Carricou.

 

Hector Poullet (2005)

Texte et captation audio de la Conférence Caraïbe donnée à la Médiathèque Caraïbe (Laméca) le 27 octobre 2005 à l'occasion de la Journée internationale du créole

 

Objectif et corpus de la conférence. Les Petites Antilles d'Alan Lomax, cadre historique et géographique :

 

Analyse des chansons, suivie du débat :

Les numéros de séquence de l'analyse des chansons correspondent à ceux du texte de la conférence (ci-après).
Durée : 50 mn et 63 mn de débat

 

Hector Poullet lors de sa conférence à la Médiathèque Caraïbe (Laméca) le 27 octobre 2005.
© Médiathèque Caraïbe

Notre objectif

Pendant des décennies nous avons vécu dans l’ignorance, parfois le dédain, de nos voisins de la Caraïbe. Si, depuis quelques années nos intellectuels, commencent à y porter quelque intérêt, ce n’est pas encore le cas de la grande majorité du public de la Guadeloupe. Nous aimerions ici, pour notre part, porter notre contribution à une meilleure connaissance des îles voisines. L’écoute des chants en créole devrait mettre en évidence des similitudes avec notre société, donner le sentiment d’une unité culturelle de la Caraïbe, et pourquoi pas, faire accepter l’idée que nous formons un même pays.

Notre corpus

A partir d’enregistrements sonores effectués par Alan Lomax dans les Petites Antilles en 1962 et seulement à partir  de 20 chansons en créole choisies dans le CD Brown girl in the ring, nous espérons découvrir l’unité linguistique d’une langue créole caribéenne.

CD Brown girl in the ring (Rounder Records, 1997)

Selon l'auteur et journaliste Studs Terkel, Alan Lomax serait « l’un des musicologues d’Amérique le plus imaginatif et le plus audacieux ». A l'occasion de la collecte de musique qu'il effectue dans les Petites Antilles d'avril à août 1962, il enregistre également des rondes enfantines. Les chansons que nous étudierons font partie d’un ensemble de 68 rondes de Trinidad, Tobago, Dominique, Sainte-Lucie, Anguille, Nevis et Carriacou. Il s’agit d’un patrimoine unique de ces îles. Nous nous devons d’être reconnaissant à Alan Lomax de la préservation de ce patrimoine.

Les Petites Antilles visitées par Alan Lomax en 1962 (en rouge).
© Anna Lomax, 2007

La Caraïbe

Pour bien comprendre la présence du créole à base lexicale française dans cette Caraïbe aujourd’hui anglophone, il n’est peut-être pas inutile de faire un petit rappel historique et géographique.

Histoire

Depuis plus de cent ans que Colomb a découvert l’Amérique, les nations européennes, dociles aux décisions des papes Alexandre VI et Jules II, qui ont partagé le Nouveau Monde entre les Espagnols et les Portugais, à l’exclusion des autres pays, n’ont point encore tenté de forcer la consigne et il faut attendre le règne de Louis XIII et la volonté ferme de Richelieu d’ouvrir à la France des perspectives coloniales, pour voir apparaître les premiers pionniers français d’Amérique. Ce fut d’abord à Saint Christophe (aujourd’hui Sains Kitts) que les premiers français débarquèrent le même jour que les Anglais. De ce premier établissement s’envolera la ruche qui essaimera successivement en Guadeloupe, Martinique, Dominique, Sainte-Lucie, Saint Vincent, Carriacou, Petite Martinique, Grenade et Tobago. Ce domaine colonial français de la Compagnie des Indes Occidentales, se développa rapidement.

Le cas de la Trinité ou Trinidad est particulier. Espagnole, elle le restera jusqu’en 1802, cette île n’a jamais été française. Les Espagnols s’en étaient emparés depuis le XVII è siècle, mais l’avaient négligée, et leurs comptoirs périclitaient. Devant le dynamisme et le développement des colonies françaises, ils firent appel aux colons français pour développer l’île, leur offrant de solides avantages. Ceux-ci exigèrent, avant tout, deux choses : l’emploi officiel de la langue française, « au même titre que la castillane », et la conservation garantie de la qualité de Français, non seulement pour eux, mais pour leurs descendants. L’Espagne acquiesça à toutes leurs demandes, et une nouvelle émigration eut lieu des Antilles françaises, surtout de Grenade vers la Trinidad. Le gouvernement espagnol tint ses promesses, le français eut, pendant une quarantaine d’années, droit de cité et, avec le français, s’implanta le créole.

Quand l’île, conquise sous le Consulat (1797), fut cédée à l’Angleterre (Traité d’Amiens, 1802) l’acte de reddition fut écrit en espagnol et en français.

L’anglais, devenu seule langue officielle, évinça le castillan et le français mais ne put chasser le créole qui, depuis plus de trois siècles, sert de truchement entre le français, l’anglais et l’espagnol. Aussi dans toute la caraïbe nous aurons des créoles à base lexicale française (créole), espagnole (papiamento), anglaise  (kòkòy).

Géographie (voir la carte plus haut)
Nous constatons que les îles du Nord (Anguille et Nevis) et celles de l’Est, comme Barbade, n’ont pas subit cette influence de la colonisation française.

 

TRINIDAD

1. Zinglito
Lopinot (Trinidad), 28 avril 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Zinglito
Ti Malengé
Ki zafè sa ?
Ti manmay nonm-la ka Siyé bwa

Zinglito est un garçonnet qui suit sont père dans la forêt pour aller scier du bois. En Créole de la Guadeloupe nous avons l’adjectif « zinglèt » et le verbe « zinglété », qui se rapporte à quelqu’un de maigre qui a une démarche à la fois sautillante et hésitante. Quant à l’expression Timanmay, elle est sans aucun doute du créole de la Martinique.

2. Manselle Marie
Blanchisseuse (Trinidad), 2 mai 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Manselle Marie, woy, yoy, yoy, Manselle Marie

Qui était cette Manzè Marie qui a laissé des traces dans tous les créoles ? En Guadeloupe il s’agit de la Mimosa pudica, sensitive qui en créole de la Martinique s’appelle « Mari-wontèz », tandis que Marisosé en créole martiniquais est la libellule.

3. Afouyèkè
Blanchisseuse (Trinidad), 2 mai 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Dou man, dou manmnan
Afouyèkè
Ròch larivyè gonmbo
Afouyèkè
Maché laronn-la
Afouyèkè
Ouvè laronn-la
Afouyèkè
Dansé laronn-la
Afouyèkè
Yèkè pou mwen wè-w
Afouyèkè
O dou manman
Afouyèkè
Dou-dou Manman
Afouyèkè

« Afouyèkè » nous n’avons pas le sens exact de ce terme, mais la consonance ne nous est pas tout à fait étrangère. Nous connaissons « fouyaya » « fouyapot » « foufougongon », qui auraient une vague étymologie avec « fureter ». Mais que signifie alors « yèkè pou mwen wè-w » ? A moins qu’il ne s’agisse comme c’est souvent le cas dans les chansons de veillée de jeux de sonorités.. Quant à « O dou manman » nous connaissons tous « adoumanman » qui traduit un état proche de l’extase et de la volupté.

4. Bésé down
Barataria (Trinidad), 1962

Ce télescopage du créole et de l’anglais doit nous rappeler le « bésé ba » des chansons haïtiennes. Mais en Jamaïque il s’agit de « Bessie down », Bessie étant un prénom féminin. Il se peut aussi que « bésé » se rapporte à « baiser » et qu’il s’agisse alors de faire le baise-main autrement dit la révérence.

5. Si si Maria
Blanchisseuse (Trinidad), 2 mai 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Si si Maria, Maria, Maria
Si si Maria, Maria, Maria,
Tanboulé lé lé lé lé lé
Tanboulé-é...

If you see Maria, Maria Safaya
If you see Maria, Maria Safaya,
Tanboulé lé-é... tanboulé
Yon fi, yon gason

Ce « code switching » qui en français se dit « alternance codique » n’est pas étonnant. Ici on passe de l’anglais au créole, chez nous du français au créole. Ce sont des procédés de communication courants dans les sociétés où deux ou plusieurs langues sont en contact. Ce qu’on appelle alors l’« embrayeur » qui provoque le changement de code est probablement ici « tanboulélé ».

 

DOMINIQUE

Ronde chantée par des d'élèves à Massacre (Dominique), le 24 juin 1962.
© Alan Lomax >>>

6. Tralala voum-bé
La Plaine (Dominique), 25 juin 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Ophélia, julien, bò larivyè
Ophélia koupé yon milé
Afos Julien kontan sa,
I hélé, « Mété an pann-a ! »
Tralala voum-bé (x3)
Voum-bé, voum-bé,
Voum-bé-o

Chanson énigmatique, peut-être à double sens, car « koupé » en créole de la Martinique a aussi le sens de l’acte sexuel. D’autant qu’on rencontre une ronde enfantine similaire en Haïti où « Yaya, Tiroro é Banda alé larivyè pou péché pwason » et qu’il s'agit bien là d’une chanson érotique, ce qui expliquerait « jilyen kontan sa » et le « voum bé » que nous pourrions transposer en créole de chez nous par « lélé lélé » ou « ponpé ponpé » !
Diction de la chanson à Alan Lomax >>>

7. Bonjour ma cousine
La Plaine (Dominique), 25 juin 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Bonjour, ma cousine,
Bonjour, mon cousin germain.
On m’a dit que vous m’aimez :
Ce n’est pas la vérité.
O, je n’ m’en soucie guère ,
O, je n’ m’en soucie guère.
Passez par ici et moi par là.

Nous avons traité ce texte comme créole alors qu’il s’agit d’une chanson française que nous avons tous chantée et jouée dans les cours de récréation. C’est sans doute à partir de cette chanson que nous avons créé en créole « mansousyé ». Ainsi « i byen mansousyé » signifie « il s’en moque », niveau de langue plus chatié que « i byen sanfouté ».
Alan Lomax interviewe une jeune fille à propos de la chanson >>>

8. Sikola ola vanni
La Plaine (Dominique), 25 juin 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Ay nou ka lélé kako, bay-la
Sikola ola vanni.
Le baton lélé an koubari,
Sikola ola vanni.
Yonn dé twa lavanni
Sikola ola vanni.
Ay nou ka lélé kako, bay-la

« Sikola » est en fait « chokola », thème sur lequel nous avons aussi plusieurs chansons comme « chokola alavanni sa ki vé sa ki mandé » qui, me semble-t-il, est aussi de la Dominique. Nous avons également cette ronde enfantine « Comment fait-on du Chocolat ? Dlo cho épi kako ! ». Dans la chanson Sikola Koubari ne serait pas l’arbre qui produit le baton-lélé, mais le nom d’une grande plantation de cacao en Dominique.
Diction de la chanson à Alan Lomax >>>

9. Di solda-la
La Plaine (Dominique), 25 juin 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Di solda-la
Wo yo yoy
Son-a pa ka maché
Wo yo yoy
Di solda-la
Wo yo yoy
Son-a sé aéroplàn
Wo yo yoy

Encore un thème connu dans nos rondes enfantines. Nous connaissons en Guadeloupe « Soldat ka kaka toudoubout, sé pou lonnè a-yo ». Ces chansons sont à la base de jeux chez les garçons.
Diction de la chanson à Alan Lomax >>>

10. Ariyèl-o
La Plaine (Dominique), 25 juin 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Ariyèl-o, ban-m bagay-mwen
Ban-m biten-mwen,
Midi ka sonnen

Arielle est sans doute la femme qui est en retard dans la préparation du repas. Il est midi et il faut partir. Nous avons en créole de la Guadeloupe « Yèswa Panten té sou, i alé aka madanm a-y, i mandé madanm-la diné, diné-la pòtékò paré… ». Ce qui est frappant dans ce texte c’est l’alternance biten/bagay, quand on sait que « biten » est du créole de la Guadeloupe et « bagay » de la Martinique.

 

SAINTE-LUCIE

Ronde chantée par des élèves à Dennery (Sainte-Lucie), le 21 juillet 1962.
© Alan Lomax >>>

11. Lendi mwen larivyè
Anse La Raye (Sainte-Lucie), 25 juillet 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Lendi mwen larivyè,
Mardi mwen lablanni,
Mèkrédi mwen rensé,
Jédi mwen k’anpézé
Vandrèdi mwen ka pasé
Sanmdi a lakay wè,
Dimanch maten vini,
Dou-mwen pa sa wè-mwen.

Lendi mwen larivyè, le thème de la femme qui chaque jour de la semaine effectue une tâche différente pour la préparation du linge se retrouve dans une chanson française : « le lundi elle lave son linge.. ». Le samedi elle meurt, le dimanche elle ressuscite . Ici c’est son Doudou qui ne veut pas la voir et c’est comme si elle en mourait.

12. Mangotin
Dennery (Sainte-Lucie), 21 juillet 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Mangotin Lababad ka brilé
Say-wa
Mangotin Lababad ka brilé
Say-wa
Ki li dou ki li si ou ka di-mwen
Say wa
K’ay kenbé-y nan tèt pou nou wè
Say-wa
K’ay kenbé-y nan kou pou nou wè
Say-wa
K’ay kenbé-y nan ren pou nou wè
Say wa
K’ay ba-y twa ti-kou aladousè
Say wa
K’ay ba-y twa ti-kou ala douse
Say wa

Nous connaissons bien les « mangotin » que nous appelons également « mango thérébentine ». Alan Lomax lui, s’interroge sur ce « tin » pensant qu’il s’agit de « ti » pour « petite mangue », ou encore du prénom féminin « Mangotine » ou d’une variété de cerise caribéenne « mangosteen », il retient plutôt la première hypothèse car Sainte-Lucie produit beaucoup de mangues qu’elle exporte à la Barbade.

13. Yon ti pwaryé
Dennery (Sainte-Lucie), 21 juillet 1962

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Mwen té ni yon ti-pwaryé,
I té chajé flè,
Yon ti van vin,
Ki jété tout atè.

O bon ti kaliko
Kaliko !
On bon ti kaliko
Kaliko !

La musique du couplet serait typiquement française, le refrain aurait, en revanche, plutôt un rythme caribéen. Kaliko viendrait du terme créole « zabriko » ce que nous retrouvons en créole de la Guadeloupe dans « bonm kaliko zabriko » et en Haïti « zakoliko, zabriko ».
Quant au poirier, il s’agit sans doute du même que le notre c'est-à-dire en anglais « cedar tree ».

14. Ay Zabèl o
Anse La Raye (Sainte-Lucie), 25 juillet 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Ay Zabèl o
Manman-w mò lan lopital,
Jòdi sa fèt.
Ay Zabèl o
Manman-w mò lan lopital,
Ou pa konnèt.
Ay Zabèl o
I mò, i mò, i mò, i mò
Ayayay
Ay Zabèl o
I ka mandé si lign kalbas-la
Ka brilé ?
Ay Zabèl o
Zabèl o, Zabèl o

Ayayay Zabel ne s’est pas occupé de sa mère qui est morte à l’hopital. Elle mérite d’être fouettée par une tige de calebasse comme chez nous. Nous retrouvons la même devoir de dévotion aux parents et la même punition en cas de manquement.

15. Fi yo lé
Dennery (Sainte-Lucie), 21 juillet 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Fi yo lé-é, fanm, fi yo lé,
Pa ni fanm ankò,
Fi yo lé-é, fanm, fi yo lé,
Fanm, fanm, fanm
Fi yo lé-é, fanm, fi yo lé,
Fanm alé Kayèn
Fi yo lé-é, fanm, fi yo lé,
Fanm ay byen lévé
Fi yo lé-é, fanm, fi yo lé
Fanm alé Babad,
Fi yo lé-é, fanm, fi yo lé
Fanm alé Kayèn
Fi yo lé-é, fanm, fi yo lé,
Pa ni fanm ankò,
Fi yo lé-é, fanm, fi yo lé,
Woy, woy, woy !
...

« Fi yo lé » pour « sé fi yo lé », « ce sont des filles qu’ils veulent ». La Guyane et Barbade manquant de femmes, les filles de Sainte-Lucie doivent émigrer pour chercher du travail. Woyoyoy, pour dire combien cette situation est douloureuse.

 

DOMINIQUE

Ronde chantée par des élèves à Massacre (Dominique), le 24 juin 1962.
© Alan Lomax >>>

16. Van-la
Massacre (Dominique), 24 juin 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Van-la vanté
O van
Van Layou-la
O van
Van-la Sen Jo
O van
Nou k’ay pikyé-y, nou k’ay pikyé-y,
O van,
Nou k’ay pikyé-y, nou k’ay pikyé-y.
O van

“Van-la vanté »Nous sommes bien de la même culture des pays de cyclones et des mers déchaînées qui obsède notre quotidien.

17. Mwen lévé lendi bonmaten
Massacre (Dominique), 24 juin 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Mwen lévé lendi bonmaten,
Mwen ka désann atè Rozo
Mwen ka mandé pou Lokadi
Yo ka di-mwen Lokadi dèyè kontwè.

Ay sa la, sa la, loumbé, loumbé
Sa la, sa la , loumbé, loumbé
Sa la, sa la loumbé, loumbé
Loumbé a kay Rozo

A quoi fait référence « Lokadi » ? S’agit-il du prénom français « Léocadie » ou du mot créole « malkadi » c'est-à-dire « épilepsie » ? Quoi qu’il en soit « Lokadi dèyè kontwè ».

18. Eliza Kongo
Massacre (Dominique), 24 juin 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Nou ka monté anho-la chèché lapé
Eliza Kongo
Mwen ka monté anho-la chèché lapé.
Eliza Kongo
Ay jou-joup, jou-joup, jou-joup nou ka mandé
Eliza Kongo
Ay paré-w,paré-w,paré-w, mwen ka vini
Eliza Kongo
Ay mété-w, mété-w, mété-w, nou ka vini
Eliza Kongo
Ay soukwé-é, soukwé-w, soukwé-w, nou ka vini
Eliza Kongo.

Eliza Kongo est le nom d’une femme qui s’est fâchée avec son ami. Il faut faire la paix. Cette chanson est probablement à double sens. Ay dyoup dyoup, soukwé-w, mété-w, mwen ka vini traduisant l’excitation sexuelle. A noter le nom « Kongo » comme ici « mondongue » ou « guiné » qui sont soit des patronymes de nègres marrons ou d’Africain arrivé après l’esclavage.

 

CARRIACOU (GRENADE)

19. Hélé misi o
La Resource (Carriacou), 2 août 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Misi di wi, di non yon fwa
Hélé misi o
Misi di wi, di non yon fwa
Hélé nennenn o
Misi di wi, di non yon fwa
Misi boulé kado.
Misi di wi, di non yon fwa
Hélé Misi o.

Que s’est-il passé avec cette Miss pour qu’elle ait brûlé son cadeau et dit non après avoir dit oui ? On ne sait plus, mais on chante encore l’événement dans une langue qui marie le créole, l’anglais et le français. « Nennenn » c’est à dire « marraine » a disparu du créole de Guadeloupe mais se dit encore en Haïti.

20. Vio vio lé
La Resource (Carriacou), 2 août 1962

Source : culturalequity.org (archives Alan Lomax) >>>

Vio vio vio lé
Vio lé, vio vio la
Pangnol pa sa monté koko
Vio lé vio vio la
Pangnol pa sa monté koko
Vio lé vio vio la
Vio, vio,
Vio lé vio vio la
Vio vio vio lé
Vio lé vio vio la
Etc…

« Vio » serait la contraction de « viejo ». Que veut-il ce vieux « pangnol » qui vient du Venezuela ? Se marier ? Mais il ne sait pas grimper au cocotier, épreuve incontournable pour tout prétendant. Ce nègre du continent n’est pas à la hauteur des nègres créoles : il manque de virilité.

 

En conclusion

Sans être musicologue, à partir de la seule étude des textes créoles, nous constatons l’unité culturelle de la Caraïbe. C’est justement ce que voulait démontrer Alan Lomax dès les premières indépendances en 1962 (celles de La Jamaïque et de Trinidad).

Outre les textes, la musique, les rythmes, nous retrouvons les mêmes thèmes : les phénomènes climatiques, le travail dans les champs, les conditions de vie difficile, l’émigration, les traditions etc. Ces jeux chantés le sont souvent au cours de veillées, toujours accompagnés de tambours, mêlant joie et tristesse, jouant sur les mots et le double sens.

Nous espérons que toutes ces découvertes ne sont pour nous qu’un début…

 

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