Dossier Laméca

Fonds romans Laméca

un guide de lecture en 16 auteurs caribéens

 

 

« Une génération passe, une autre lui succède ; mais la terre subsiste toujours. Le soleil se lève, le soleil se couche puis il se hâte de revenir à son point de départ pour en repartir encore. Le vent souffle vers le sud, puis il se tourne vers le nord ; il tourne sans cesse et reprend les mêmes circuits. Tous les fleuves se jettent dans la mer, sans jamais la remplir ; et les fleuves continuent de couler vers la mer dans laquelle ils se jettent. »
Les derniers rois mages, p. 40

 

Présentation de l’auteure

Grande figure de la littérature caribéenne, Maryse Condé, née Boucolon, a vu le jour en 1937 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe dans une famille nombreuse issue de la bourgeoisie locale. Elle fait des études d’Anglais à la Sorbonne à Paris, puis enseigne dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et plus tard aux Etats-Unis, lorsque sa carrière d’écrivain est bien établie. C’est âgée d’une quarantaine d’années que l’auteure prolifique se met à publier en langue française. Elle est distinguée par de nombreux prix littéraires à l’instar du Prix Nobel alternatif de littérature (2018), du Prix Carbet pour Désirada (1997) ou du Prix Marguerite Yourcenar pour Le cœur à rire et à pleurer (1999). Maryse Condé a résidé dans plusieurs pays y compris dans son île natale dans les années 1980 et 2000.

Présentation de l’œuvre

Ayant grandi entourée de livres qui lui ont plus tard donné l’envie d’écrire, Maryse Condé est influencée par de nombreux auteurs anglais, africains, français ou américains du XXe siècle. Ses goûts et genres littéraires éclectiques l’ont amenée à camper des romans historiques et des récits en Afrique à l’instar de la saga Ségou, Une saison à Rihata, aux Etats-Unis avec Moi, Tituba Sorcière ou en Guadeloupe avec Victoire, les saveurs et les mots. Sans étiquette précise quant au courant littéraire de son temps, Maryse Condé a adhéré à une certaine idée de la créolité propice à une exploration vaste de l’imaginaire et ouverte sur les individus plutôt qu’au concept codifié véhiculé dans les années 1980-1990. Romancière, dramaturge, essayiste, l’auteure a publié plus d’une trentaine d’ouvrages traduits dans plusieurs langues, parmi lesquels des essais, des nouvelles et des romans pour enfants. Voix majeure de la littérature caribéenne, ses thématiques de prédilection souvent d’ordre sociétal s’étendent de l’histoire, aux relations complexes entre les individus, en passant par les désirs d’émancipation. Plusieurs pièces de théâtre de Maryse Condé sont jouées en Afrique, aux Etats-Unis, dans la Caraïbe ou en Europe.

L’histoire, la mémoire, l’autobiographie

Maryse Condé se singularise sans doute des écrivains de sa génération par l’attrait qu’ont exercé sur elle de nombreux pays qu’elle a fini par connaître. Sans doute influencée par les travaux d’ethnologues de son temps, l’écrivaine a vécu à l’heure et au rythme de ses hôtes. Ainsi, ses premiers écrits sont empreints de militantisme reflet de son rôle engagé d’écrivaine. Elle raconte l’histoire coloniale et post-coloniale d’Afrique de l’Ouest, de la Caraïbe comme il en sera question dans Ségou ou Les derniers rois mages. Puis se greffent d’autres préoccupations, notamment celles de dépeindre des héros plus ordinaires de la Caraïbe telles que relatées dans Traversée de la mangrove. Pour reprendre le titre de son ouvrage autobiographique La vie sans fards, Maryse Condé sonde précisément ses vérités nues, non lisses, révélant leurs aspérités. La réaction du personnage de Hakim dévoilant le foulard du cou meurtri de Célanire dans le roman Célanire cou-coupé, renferme la symbolique du projet d’écriture de Maryse Condé à l’image de cet extrait qui dévoile le secret : « Leste comme une anguille, elle le chevaucha et appuya sa bouche sur la sienne. Dégoûté, il renversa la situation, la cloua sous lui, et furieux, lui saisit le cou comme s’il voulait l’étrangler. Ses doigts s’emmêlèrent dans sa collerette, l’arrachèrent, la jetèrent au loin. Elle poussa un cri et porta les mains à sa gorge tandis que ses yeux s’éteignaient, tel un tison mouillé. Lui resta sans voix devant ce qu’il avait mis à nu. ». (Célanire cou-coupé, 71)

Ombre et lumière

A travers son œuvre, Maryse Condé comme la plupart des romanciers, nourrit l’espoir d’être appréciée, toutefois sans renier ses préceptes. Il n’y a donc pas de malentendus à proprement parler lorsqu’elle dénonce les iniquités, les impérities et autres formes de dévoiement dans ses œuvres. Pour autant ses lecteurs guadeloupéens, caribéens, africains ou d’ailleurs, ont parfois ressenti une forme de trahison formulée par d’acerbes reproches. Condé s’en défend en affirmant qu’il incombe précisément à l’écrivain, de débusquer des vérités dérangeantes, là où les regards se détournent facilement (1). En effet, l’auteure a coutume de multiplier les personnages et les points de vue pour éviter le piège de l’aveuglement dogmatique. Il existe donc bien un équilibre entre l’ombre et la lumière dans sa production. Autrement dit, il n’y a pas d’inclination naturelle à tendre vers des sentiments nobles. La plupart de ses personnages se caractérisent souvent par des aspirations antagonistes : l’envie de se couler dans un moule normé par leur société ou communauté d’appartenance, et leurs désirs profonds inféodés. En conséquence de quoi, les sentiments plurivoques qui les animent se traduisent par un décalage quasi tragique.

Mots clés

Migration • Exil • Guadeloupe • Afrique • Etats-Unis • Caraïbe • Diaspora • Histoire • Emancipation • Rébellion • Nomadisme • Post-Colonialisme • Autobiographie • Epopée • Identité • Désenchantement • Féminisme • Négritude • Créolité • Indépendantiste • Mémoire

Bibliographie sélective

  • Une saison à Rihata, Paris, Robert Laffont, 1981.
  • Segou Tome 1 : Les Murailles de terre Paris, Robert Laffont, 1984
  • Segou Tome 2 : La Terre en miettes, Paris, Robert Laffont, 1985.
  • Moi, Tituba sorcière, Paris, Mercure de France, 1986.
  • La vie scélérate, Paris, Seghers, 1987.
  • En attendant le bonheur, Paris, Seghers, 1988.
  • Traversée de la mangrove, Paris, Mercure de France, 1989.
  • Les derniers rois mages, Paris, Mercure de France, 1992.
  • La Colonie du nouveau monde, Paris, Robert Laffont, 1993.
  • La Migration des cœurs, Paris, Robert Laffont, 1995.
  • Pays mêlé, Paris, Robert Laffont, 1997.
  • Desirada, Paris, Robert Laffont, 1997.
  • Le Cœur à rire et à pleurer, Paris, Robert Laffont, 1999.
  • Célanire cou-coupé, Paris, Robert Laffont, 2000.
  • La Belle Créole, Paris, Mercure de France, 2001.
  • Histoire de la femme cannibale, Paris, Mercure de France, 2005.
  • Victoire, les saveurs et les mots, Paris, Mercure de France, 2006.
  • La Vie sans fards, Paris, JC Lattès, 2012.

Pour aller plus loin

Extraits

Chez lui ?

Est-ce que ces mots avaient encore un sens ? Après tant et tant d’années d’exil, est-ce qu’une terre est toujours natale ? Et est-ce qu’on est toujours natif ? On arrive dans le pays et on ne connaît plus ni sa parole ni sa musique. On cherche sans jamais le trouver le piébwa de son placenta. Coupé à ras par les promoteurs immobiliers. Quand Maxo et Lionel lui écrivaient, Spéro s’apercevaient que la Guadeloupe de son souvenir était morte et enterrée. Les usines étaient devenues des cimetières. Les champs de canne n’étaient plus que des refuges pour rongeurs. Le béton avait tué le bois. Déjà quand il était revenu au pays après ses études à Lille, il avait trouvé La Pointe bien changée. Sur le quartier dit de « L’Assainissement », un grand hôtel était sorti de la terre avec une église, une école et diverses autres constructions en dur. Finies les tinettes qui empuantissaient l’air et les fontaines devant lesquelles des queues s’allongeaient. Ce n’était que fée électricité et tout-à-l’égout ! Seul le morne Verdol restait le morne Verdol ! Pourtant, des esprits progressistes soufflaient qu’il était lui aussi promis aux urbanistes. Non, il n’avait plus de place nulle part. Lui aussi, comme l’ancêtre, il était en exil.

Les derniers rois mages, p. 169

Dans la maison que la mort avait visitée, la reine Fadjo avait tant bien que mal organisé la veillée. Le médecin français qui était venu constater la mort avait prévenu les fonctionnaires de l’Administration qui à leur tour avaient prévenu Paris. Tout ce monde était bien embêté : que faire avec ce cadavre très emmerdant ? L’enterrer à la sauvette ? Mais où ? L’ancêtre n’était ni musulman ni catholique. Alors quel cimetière voudrait bien accepter sa dépouille de païen ? Il fallait surtout empêcher que les partisans d’Add el-Kader, mal consolés et toujours prêts à s’agiter dans les complots, prennent comme étendard ce vieux roi sans royaume et en fassent leur héros.

Les derniers rois mages, p. 222 

 

Quand même, elle était impressionnée par sa beauté. Sur ce point aussi, son papa avait dit vrai. Pas une beauté classique, celle que Charlotte lui avait légué : un nez droit, un front bombé, une bouche finement dessinée. Célanire possédait la beauté du diable, quoi ! Une grosse natte, qu’on aurait dit dotée d’une vie autonome, serpentait le long de son dos. On ne pouvait détacher le regard d’un large ruban bleu qui retenait un bijou, un petit cœur en or, plaqué contre sa gorge. Qu’est-ce qu’il y avait par en dessous ? On sentait qu’il s’agissait d’un secret terrible à faire peur.

Célanire cou-coupé, p. 64
 
 

Leste comme une anguille, elle le chevaucha et appuya sa bouche sur la sienne. Dégoûté, il renversa la situation, la cloua sous lui, et furieux, lui saisit le cou comme s’il voulait l’étrangler. Ses doigts s’emmêlèrent dans sa collerette, l’arrachèrent, la jetèrent au loin. Elle poussa un cri et porta les mains à sa gorge tandis que ses yeux s’éteignaient, tel un tison mouillé. Lui resta sans voix devant ce qu’il avait mis à nu.

Célanire cou-coupé, p. 71
 
 

Les crimes entre Africains n’intéressent personne. Génocides, pogroms, guerres tribales, nettoyage ethnique, ces gens-là s’entre-tuent dans l’indifférence générale.

Ce meurtre-là fit exception, car Hakim était un métis, bâtard d’un administrateur distingué qui avait servi avec lustre au Haut-Sénégal. Les journalistes retrouvèrent sans peine la trace du père : Robert Delafalaise, auteur d’une étude ethnographique remarquable, la première du genre en tout cas, Les Bambara de Ségou et Kaarta.

Célanire cou-coupé, p. 76
 
 

Cependant ses airs de bouddha cachaient un esprit des plus alertes. Il prenait sa femme pour une sorte d’artistes, de poétesse, qui se mouvait dans le royaume de la fiction. Tout pouvait être vrai comme tout pouvait être faux dans ce qu’elle racontait. Il ne cherchait surtout pas à faire la part de vérité dans ses créations. À Bingerville, elle s’était amusée à mettre les esprits à l’envers par jeu, pour se divertir.

Célanire cou-coupé, p. 76

 

Nombreux étaient ceux qui partaient pour Haïti où disait-on, le pays était à présent gouverné par des Noirs, mais très intelligents, pareils à des Blancs, et où le travail ne manquait pas. Or, le lendemain du baptême, j’entendis résonner sur le trottoir un pas que je reconnaîtrais entre mille. Tout mon corps se changea en glace. Razyé entra, plus noir, plus beau, mais aussi plus effrayant que ne l’avait gardé mon souvenir. Ses deux yeux jetaient des éclairs. Ses cheveux se tordaient sur sa tête comme des serpents. Sans prononcer une seule parole, il me donna deux calottes qui me jetèrent à terre. Puis il s’agenouilla à côté de moi et me martela dans l’oreille pendant que je sanglotais :

- Tu as osé donner à mon enfant le nom de celui que je hais le plus sur cette terre ? Est-ce que tu croyais que j’en avais fini avec toi ? Toi et ton enfant, vous êtes les instruments que je vais utiliser pour me venger. Car je vais me venger, et d’une façon éclatante, de ce que le ciel, de connivence comme toujours avec vous, les békés, m’a fait. Et mon histoire passera dans celle de ce pays.

Puis il me força à me relever et à le suivre.

La migration des cœurs, p. 109

 

- Depuis mon retour à Ségou, je ne suis pas resté inactif ! J’ai fait le compte des yèrèwolo qui se sont convertis à l’islam et le pratiquent sans garder des boli dans quelque case secrète de leur concession, sans consulter pour un oui ou un non les forgerons féticheurs. Désormais, ce sont ceux-là, et ceux-là seuls, qui devront composer le Conseil royal, présider les tribunaux, veiller à la marche du royaume…

C’était trop ! Tata, le fils d’Ali, demanda la parole, mais Diémongo Koné l’avait précédé. Ce vieillard avait perdu sept fils sur les champs de bataille de la région, et, depuis, bien qu’il n’ait pas versé une larme en public comme il convient à un homme, ses cheveux étaient blancs et ses yeux couverts des taies bleuâtres du désespoir :

- Mon enfant, tu me fais rire si tu ne me mettais pas en fureur ! Tu parles comme si notre Mansa était un despote. Est-ce que tu oublies ce qui a été dit au moment de son intronisation quand les anciens venaient de le coiffer du bonnet de son père : « Le chef est le serviteur de son peuple » ? Et tu veux à présent qu’il renvoie les membres du Conseil et des tribunaux, eux dont la volonté seule a fait de lui ce qu’il est ? Tu veux qu’il change ce que nos ancêtres ont fait ? En fin de compte, tu veux que son caprice devienne loi ?

Ségou Tome 2 La terre en miettes, p. 82
 
 

Olubunmi et Mohammed se tenaient à l’écart du groupe et de ses racontars. Olubunmi avait posé la tête sur le genou de son frère et serrait les dents pour ne pas laisser fuser d’un coup le triste récit de sa vie. Qui sait ? Peut-être Mohammed était-il aussi malheureux que lui ? Quel contraste offrait celui qu’il était devenu avec le beau jeune homme qui avait pris la route de Kassakéri ! Eh oui, à ceux de leur classe d’âge, le destin avait refusé ses dons. Pas de triomphe à la guerre, pas de succès à la cour, pas de bonheur familial. Ils formaient une génération sacrifiée.

Alpha Aliou, le chef de l’escorte Toucouleur, se leva et s’approcha assez respectueusement de Mohammed, son attitude illustrant bien les sentiments que ce dernier inspirait à tous ceux qui l’approchaient. Estime pour sa grande piété. Admiration pour sa force de caractère. Instinctive aversion pour son ethnie.

Ségou Tome 2 La terre en miettes, p. 144

 

L’eau emplissait les caniveaux des calles, et des enfants à peau sombre y faisaient naviguer leurs canots. Dans ce pays, la misère s’inscrivait dans la couleur de la peau. Les siècles avaient passé ; mais les descendants d’esclaves restaient toujours les descendants des esclaves. Ramona avec sa peau blanche s’estimerait toujours supérieure à la plus belle des morenas. Ces petitesses et ces préjugés qu’il avait voulu faire disparaître par la vertu de l’idéologie ne changeraient plus désormais.

La colonie du nouveau monde, p. 140
 
 

A l’intérieur de l’autobus, dominant les criailleries des passagers, la radio beuglait des airs qui ressemblaient à ceux qu’ils entendaient depuis l’enfance, biguines, calypsos ou merengues. Seule la présence des Indiens, tristes et renfermés en eux-mêmes, marchant à la queue leu leu le long de la route dans leurs habits sans couleur, rappelait que cette terre n’était pas la leur. Un panier de volailles entre les jambes. Thoutmès était serré contre un vieil homme de peau à peine plus claire que la sienne qui lui racontait une histoire où comme toujours, la misère avait joué le beau rôle. {…} Dans sa première jeunesse, il avait enjambé la frontière et porté la Sainte Parole à Santo Domingo aux Haïtiens travaillant dans le sucre amer. Il avait aussi visité des communautés immigrées à Cuba ! Bon Dieu, il en avait connu des pays dans sa vie d’homme ! Quand son temps viendrait, il ne dirait pas « Va t’en » à la mort.

La colonie du nouveau monde, p. 178

 

Pourquoi faut-il que toute tentative de se raconter aboutisse à un fatras de demi-vérités ? Pourquoi faut-il que les autobiographies ou les mémoires deviennent trop souvent des édifices de fantaisie d’où l’expression de la simple vérité s’estompe, puis disparaît ? Pourquoi l’être humain est-il tellement désireux de se peindre une existence aussi différente de celle qu’il a vécue ?

La vie sans fards, p. 11

 

L’amour, c’est connu, souffle où il veut. Aussi la liaison de Pourméra et d’Abelardo ne doit pas surprendre. Cependant, si les habitants de Fort-Pilote furent vite convaincus de l’intensité de la passion de Pourméra, ils doutèrent avec ensemble des sentiments d’Abelardo. On le vit s’installer dans la maison de la Folie, s’asseoir à la table du Dé d’argent, donner des ordres à la servante. Toutefois, il ne parut point à la cathédrale, car c’était un mécréant, grand buveur, amateur des pires jurons.

Il me faut abréger cette partie de mon récit, qui est par trop prévisible. Abelardo révéla son vrai visage.

Pays mêlé, p. 75

 

Hors ces modifications vestimentaires, l’arrivée de Thérèse ne changea pas grand-chose à la condition de Victoire chez les Jovial. Chacune se tint à la place assignée par le destin. Pas de familiarité entre marraine et filleule. Il est certain que sous ses airs frigides, la seconde portait à la première la dévotion que l’on réserve au saint sacrement. Celle-ci se laissait adorer avec une indifférence complaisante. Je n’ai connaissance d’aucun causer, aucun échange entre elles sur quelque sujet que ce fût.

Moi, un point me blesse. Thérèse qui se targuait d’être militante pour la cause des femmes, et qui avait lu Mary Wollstonecraft dans sa traduction espagnole, ne songea jamais à apprendre à lire et à écrire à sa protégée. Ainsi, elle l’aurait tirée de l’obscurantisme dans lequel elle vécut sa vie. Elle lui aurait ouvert les portes d’un autre avenir. On peut même imaginer que son existence tout entière aurait été changée. Les occasions ne manquaient pourtant pas.

Victoire, les saveurs et les mots, p. 46

 

A dire vrai, l’Afrique avait pesé lourd dans la balance. Retourner à la Guadeloupe ne signifiait guère pour Marie-Hélène que retourner vers sa mère. L’île et la mère étaient la même chose, utérus clos dans lequel blottir sa souffrance, yeux fermés, poings fermés, apaisée par la pulsation du sang. Mais la mère était morte. Alors la douleur de l’avoir perdue à jamais, de n’avoir même pas assisté à ses derniers moments, se changeait en haine de l’île, à présent stérile, matrice désertée qui n’envelopperait plus de fœtus. Restait l’Afrique, mère aussi, proche par l’espoir et l’imaginaire. Elle avait donc épousé Zek à la mairie du XVe presque un an après la mort de Delphine.

Une saison à Rihata, p. 77

 

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(1) Mohamed B. Taleb-Khyar, « An Interview With Maryse Condé and Rita Dove », Callaloo, Vol. 14, N° 2, 1991, p. 347-366.

 

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SOMMAIRE
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par Dr Ayelevi Novivor

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