Dossier Laméca

Anthologie du konpa (top 15)

un guide d'écoute en 15 albums

 

8. CARIMI - NASTY BIZNIS (Antilles Mizik, 2003)

"Bang Bang ! Et cetera"

CaRiMi, c’est Carlo, Richard et Mickael, trois bons copains qui ont déjà bossé ensemble dans le groupe K-Dans, en Haïti, pendant la deuxième moitié des années 1990. L’acronyme qu’ils choisissent résonne en anglais comme « Carry me » (Transporte-moi) dans la métropole new-yorkaise où ils se sont relocalisés comme des frères d’arme. Mais, que voulez-vous ?, ces charmants garçons ne font rien sans humour et ils ont toujours de bonnes idées au niveau de leur mise en marché et de tout ce qui touche au marketing. C’est inné.

CaRiMi est donc un jeune groupe konpa avec une démarche promotionnelle complètement différente des autres. Si l'on se souvient bien, l'annonce de sa création paraissait dans la presse haïtienne longtemps avant sa sortie officielle en juillet 2001. Une précampagne habilement menée qui a piqué la curiosité du public. Sans avoir encore entendu une seule note de ses compositions, on connaissait déjà le nom et le visage des musiciens en plus de la signification du sigle. En résumé : c'est donc un trio frontal des plus sympathiques avec l'appellation de groupe la plus originale depuis des lustres.

Il est de coutume chez les musiciens de konpa se vanter exagérément à travers les paroles des chansons. On dirait un passage obligé. Pourtant, en approchant les jeunes CaRiMi, on remarque tout de suite leur humilité et leur profonde reconnaissance envers les vétérans qui les ont devancés. Le chanteur principal, Mickael Guirand, au lieu de se flatter lui-même, ne rate pas une occasion de signaler avantageusement la présence de ses deux acolytes.

CaRiMi c'est aussi la preuve, pour les Haïtiens, que le métier de musicien se gère comme tous les autres. Après Tabou Combo, qu’il vénère, c'est le groupe qui a le mieux fait ses preuves dans la conquête de la scène internationale. Ces jeunes sont soudés l'un à l'autre par une solide amitié, doublée d'une passion pour la musique qui groove et le travail bien fait.

Leur style est festif et apporte une nouvelle jeunesse au konpa qu’ils mélangent au R&B américain avec un naturel inouï. Ils ont compris aussi que l'essentiel n'est pas d'allonger leur discographie, mais de mettre le temps nécessaire pour bien faire mûrir un album. Depuis Bang Bang en 2001, chaque nouvel enregistrement a été un succès assuré : Nasty biznis (2003), Are you ready (2006), Buzz (2009) et Invasion (2013).

Malheureusement, depuis début 2016, on annonce sans cesse la fin de CaRiMi dans les médias, le télédyòl et sur les réseaux sociaux. Jusqu’à la confirmation finale, par le gérant Fritz Hyacinthe après deux faux départ du chanteur Guirand. La date fatidique inscrite sur le communiqué de presse: le groupe n’existe plus depuis le 11 juillet 2016. Fondé le 20 juillet 2011, le formidable trio aura donc vécu 15 étés d’une formidable aventure.

Pour une discothèque idéale du konpa, les deux premiers albums de CaRiMi se valent. Bang Bang pour sa pêche et son incroyable impact (qui n’a pas fredonné ces fameuses onomatopées « Zobodopedop/pedo pedo pow » ?), et Nasty biznis pour son savoir faire avec des orchestrations et une balance au niveau du mix beaucoup mieux maîtrisées.

"Ayiti (Bang Bang)" par CaRiMi (extrait)

À noter que les deux œuvres ont été enregistrées, mixées et matricées chez leurs amis du groupe Zin, le Hit Factory / Alabèl Mizik par Alex Abellard et Eddy St-Vil. Et les deux ont parus sur Antilles Mizik de Philippe Lavelanet, « le label de la jeune musique haïtienne » dit le slogan. Que de chemin parcouru déjà par la nouvelle génération au niveau de son autonomie !

« La nouvelle génération à l’offensive ! » clame Guirand dans Wanraje, évoquant la force d’un mouvement qui a coïncidé avec l’arrivée des synthétiseurs dans le konpa, quelques 18 ans plus tôt.

Pour l’essentiel, les claviéristes Carlo Vieux et Richard Cavé se partagent les rôles d’auteur et de compositeur à tour de rôle. CaRiMi  écrit sur des histoires de couples actuelles mais  trouve instantanément ce ton désinvolte pour parler de choses dramatiques comme l’insécurité en Haïti (le couple victime de violence des bandits zenglendos dans Bo Kote’w) ou la circulation des armes et la prolifération des espions dans Ayiti (Bang Bang) comparés à la version BD d’un western à la Lucky Luke. Tout passe! Mais quel est donc leur secret?

Comme le publie en grand titre, le quotidien France-Guyane relatant  une prestation où le groupe d’Haiti « a mis le feu » au Zéphyr de Cayenne : « CaRiMi rend fou ! »

Voilà qui est bien vrai.

 

CARIMI - NASTY BIZNIS (Antilles Mizik, AMCD 9126, 2003)

Titres :
1 Intro, 2 Chov, 3 Pitit sa, 4 Interlude, 5 Kidnapping, 6 Por favor, 7 Nasty biznis, 8 Bo kote'w, 9 Mwen sou, 10 Interlude, 11 Long distance, 12 In love, 13 Go home (tcha tcha)

Musiciens :
Michael GUIRAND, chant (lead)
Richard CAVÉ, claviers et chœurs, arrangements et séquences
Carlo VIEUX, claviers et chœurs, arrangements et séquences
Steve DESROSIERS, guitare
Noldy CADET, guitare basse
Rudy NAU, batterie
Invités : Eddy St-Vil, Alex Abellard, Virginia Mahotière (de Zin), Rated R., Sergo Décius, Hermane Absolu, Alex Thébaud, Glenny Benoit, Mika Benjamin

Enregistrement, mixage et matriçage : Alex Abellard et Carimi
Production :  Philippe Lavelanet
Photos : Alex Dumas, Ed Touche

 

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SOMMAIRE

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par Ralph Boncy et Georges "Georgio" Léon-Emile

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, 2019