Dossier Laméca

Musique afro-colombienne

ILLUSTRATIONS MUSICALES

 

1. La Colombie Noire

"La mica prieta" (gaita) par Los Gaiteros de San Jacinto - album Colores de la tierra (Enlace y comunicación Ltda, Colombia, 1998)

Cet enregistrement du groupe prestigieux Los Gaiteros de San Jacinto, est une belle illustration de l’orchestre traditionnel de flûte gaita.
Un flûtiste joue un motif fixe ou une mélodie sur la gaita macho (flûte "male") tenue d'une main et marque le rythme avec un grand hochet appelé maracón de l'autre main. Tandis que la deuxième flûte, la gaita hembra (flûte "femelle") joue un accompagnement mélodique et rythmique, basculant parfois dans les notes plus aigues.
Le maracón et le tambour llamador jouent en contretemps (à la manière de la guitare rythmique du reggae) pendant qu'un autre musicien joue un accompagnement sur la peau du tambour basse (tambora) tout en tapant sur le fût. Et le tambour alegre improvise.

 

Le carnaval de Barranquilla (par l'UNESCO)

"Mariangola" (bullerengue) par Petrona Martínez - album Le bullerengue (Ocora, France, 1998)

La musique bullerengue dispose des mêmes instruments de percussion que la musique gaita (de l'Exemple 01) : maracón,llamadortambora et alegre. Cependant, le bullerengue est en général chanté par les femmes, principalement une chanteuse lead et un chœur, dans la forme appel-réponse.
Musiciens, chanteuses et danseurs jouent dans un cercle, à l'interieur duquel les participants entrent périodiquement pour danser. Dans certaines régions, les danseurs sont principalement des jeunes femmes et dans d'autres, des couples. Le bullerengue ressemble au lumbalú, la musique funéraire de San Basilio de Palenque, bien qu'il soit également dansé jusqu'à l'ouest de la région d'Urabá !

 

"Los campanales" (merengue vallenato) par Alejo Durán - album Colores de la tierra (Enlace y comunicación Ltda, Colombia, 1998) 

Le vallenato est un genre narratif interprété par des chanteurs - ici le légendaire Alejo Durán - et des accordéonistes, avec le soutien d'un grattoir rythmique appelé guacharaca et d'un tambour joué avec les mains nommé caja. Le thème du récit chanté va de la chanson d'amour à des potins sur des personnages locaux, souvent présentés métaphoriquement et identifiés seulement par ceux qui sont au courant.
Les chanteurs de vallenato peuvent aussi se livrer à des duo verbaux, comme dans la décima, la tradition hispanique de poésie orale.
Le vallenato compte un certain nombre de sous-genres tels que les paseoson et puya. L'enregistrement présent est un merengue avec sa métrique rythmique en 6/8. Ce sous-genre du vallenato ne partage que le nom avec la musique éponyme bien connue de la République Dominicaine.

 

"El liso" (champeta) par Luis Towers - album Champeta Criolla Vol. 1 (Palenque Records, Paris, 1998)

Cette champeta classique du chanteur vétéran Luis Towers (Luis Torres) de la ville de Palenque, illustre (avec ses motifs de basse et de guitare) l'influence sur Carthagène de la musique mbaqanga sud-africaine où elle est appelée bocachiquera, car les bateaux venant d’Afrique du Sud et transportant des disques étaient amarrés dans le quartier de Bocachica.
En dépit de ses origines internationales, la chanson évoque des personnages locaux vivant dans le quartier Olaya Herrera de Carthagène, un quartier pauvre bâti sur pilotis au-dessus d'un lagon.

 

L'espace culturel San Basilio de Palenque (par l'UNESCO)

 

"Providencia Mento" (mento) par Grupo Tradicional de Willie B. Archbold - album Itinerario musical por Colombia (Fundación de Música, Colombia, 1994)

Willie B. Archbold était le dernier de la plus ancienne génération de violonistes de l'île de Providencia. Dans cet enregistrement on entend le format originel de son groupe, complété d’une basse (washtub) fabriquée à partir d'une corde tendue entre l'extrémité d'un bâton et du fond retrourné d'une bassine en étain (servant de résonateur).
Bien que les groupes plus jeunes de l’île de Providencia aient été influencés par le reggae, le ragga et le rap (ainsi que par le vallenato et la champeta de Colombie), ils sont nombreux à utiliser les instruments traditionnels tels que le washtub (précité) et la mâchoire d'âne.

 

"La quita marido" (chirimía) par Chirimía la Contundencia - album Pacifico Colombiano: Music Adventures in Afro-Colombia (Otrabanda Records, Netherlands, 2008)

Cet extrait exprime le caractère bruyant et joyeux de la musique chirimía de la région du Chocó. Bien qu'à l'origine elle était basée sur des versions locales de musiques de danse européennes du 19ème siècle, la chirimía a finalement développé son propre répertoire. Dans le passé elle n’était pas accompagnée de chant, même si dans la région il y a eu une longue tradition de chansons accompagnées à la guitare.
La Contundencia est le premier groupe à avoir ajouté des paroles à la chirimía. La plupart de ces textes sont des illustrations souvent picaresques des aléas des relations amoureuses voire sexuelles. "La quitamarido" chante la complainte d’une femme à propos d’une "voleuse de mari" dont les charmes sexuels lui permettent de voler des maris à leurs épouses.

 

2. Le Pacifique Sud

La musique de marimba et les chants traditionnels de la côte Pacifique Sud de la Colombie (par l'UNESCO)

 

3. Currulao, la danse du marimba

"Currulao" par le Grupo Los Bogas del Pacífico (Teatro Colón, Bogotá, vers 1982)

Cette vidéo montre la chorégraphie traditionnelle de la danse de marimba, ou currulao. Elle commence par les coquettes agitations mouchoir (début) et les frappements de pied rythmiques des hommes ou zapateo (00:46, avec un gros plan vers 03:15) afin d'inciter leurs partenaires à danser (01:25). Dans cette section initiale, les joueurs de marimba chantent une phrase d'ouverture (appelée churreo) à laquelle les chanteuses (cantadoras) répondent.
Lorsque le groupe entre dans la section jondeo (02:12), les danseurs commencent à danser en formant un cercle, se faisant face ou se retournant l'un l'autre. Un motif chorégraphique connu sous le nom de "ocho" ou figure huit.

 

"Adios Guapi" par le Grupo Naidy - album Cosechando una semilla

Voir la grille descriptive (bas de la page 3. Currulao, la danse du marimba).
Dans ce currulao, le Grupo Naidy remplace la lamentation du churreo (long appel sans paroles par lequel le chanteur entame le chant) par des paroles évoquant la tristesse de quitter sa ville natale sur la côte Pacifique.

 

4. Arrullo, une berçeuse pour les Saints

Jour de l’Épiphanie (San José de Timbiquí)

Cette vidéo, tirée d'un film documentaire de la télévision colombienne, montre les événements organisés à l'occasion de la journée de l'Epiphanie dans la ville de San José de Timbiquí. En plus des interviews (en espagnol), on y voit une procession de rue, accompagnée par de la musique bunde, amenant l'enfant Jésus à la chapelle (01:30). L'arrullo lui-même commence à 03:37 avec une juga, pendant laquelle deux femmes dansent vers l'autel pour offrir leurs prières. A 04:09, il y a une danse en ligne, accompagnée d'un bunde. À 05h30, juste avant la fin, la vidéo montre les danses profanes qui sont tenues en l'honneur du saint, ici la juga "Bámbara Negra".

 

5. Alabados et Chigualo, musique pour les morts

“Jesús Nazareno” par Dora Bonilla, July Magaly Castro Bonilla, Oliva Bonilla Carabalí, Inés Granja, Yoly Bonilla et Luz Beatríz Bonilla (enregistré par Michael Birenbaum Quintero à Santa Bárbara de Timbiquí en janvier 2006)

Cet alabado enregistré chez un particulier est interprété par des chanteuses de la famille Bonilla. Il peut être chanté pour les funérailles d'un adulte ou pour la Semaine Sainte (afin de pleurer sur la crucifixion).
Cet extrait illustre bien la forme appel-réponse et les harmonies vocales des alabados, quand les chanteuses qui accompagnent la cantadora Inés Granja prennent des parties basses ou hautes pour harmoniser la mélodie principale.

 

6. Modernités du Pacifique noir

"Mi varita" (currulao de guitare) par le Grupo Tamafrí (production indépendante, Colombia, vers 2006)

Cet extrait est un bon exemple de currulao de guitare. En plus de la guitare et des instruments de percussion traditionnels, il inclut aussi une batterie, un piano électrique et une basse. Deux motifs entrelacés de guitare, très caractéristiques, sont joués au tout début de l'enregistrement.
La musique pour guitare est généralement appréciée des hommes qui se retrouvent dans les bars et les paroles des chansons sont plutôt torrides. Cette chanson, "Mi Varita", est par exemple une « réflexion » sur l'anatomie masculine.

 

"Caso del vencedor" (currulao pour orchestre de mambo) par le  Conjunto Folclorico La Marucha - album Tumbando casas (production indépendante, Colombia, vers 1964)

Cette orchestration d'un currulao de guitare traditionnel commence par une introduction à la guitare, avant l’entrée de la section de cuivres, de la basse, des guasás et du tambour bombo. En phase avec le caractère innovant du morceau, la guitare électrique que l’on entend est une fabrication artisanale du guitariste "Che" Benítez de Guapi. Le bombo quant à lui est joué dans un style traditionnel.
La plupart des musiciens de ce disque vinyle (produit par un médecin de Buenaventura) formeront le groupe de fusion très connu Peregoyo y su Combo Vacaná.

 

"Amanece" (marimba salsa) par Herencia de Timbiqui au Festival International de Chant de Viña del Mar (2013)

 

"La guayabita" par le Grupo Orilla - album Lo que me tocó

En lien avec le fort attrait de la côte Pacifique pour la musique populaire cubaine et de ses dérivés comme la salsa, cette version mise à jour d'une juga traditionnelle commence par des guasás accompagnant une clave cubaine traditionnelle utilisée dans la musique religieuse en 6/8.
Les paroles disent "Donnez-moi, donnez-moi, donnez-moi, parce que je vais vous donner, une goyave de mon goyavier."
Le Grupo Orilla appartient à une nouvelle génération de groupes de fusion ancrés dans les traditions afro-colombiennes et qui rénovent le son de la musique du Pacifique.

 

"Somos Pacifico" (marimba rap) par ChocQuibTown

 

"Ras Tas Tas" (salsa choke) par Cali Flow Latino

 

"Puro soye" (salsa choke) par Jr. Jein y DJ Piru de Buenaventura

Cette vidéo, tournée dans un lotissement de la ville portuaire de Buenaventura, illustre l'importance du hip-hop dans la culture populaire du Pacifique aujourd'hui. Dans la chanson et à l'image, comme dans beaucoup de musique hip-hop de la région, la musique, les vêtements et la danse sont empruntés à la culture populaire noire mondiale, et sont combinés à des éléments locaux tels que l'argot du Pacifique ou des aspects géographiques et culturelles de la région.

 

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SOMMAIRE
1. La Colombie Noire
2. Le Pacifique Sud
3. Currulao, la danse du marimba
4. Arrullo, une berçeuse pour les Saints
5. Alabados et Chigualo, musique pour les morts
6. Modernités du Pacifique noir
Illustrations musicales
Sources

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par Dr Michael Birenbaum Quintero

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, 2017